Abdelkader Lahmar, l’enfant de Vaulx-en-Velin qui vise l’Assemblée nationale

Dans le Rhône, le Nouveau Front populaire mise sur la mobilisation des quartiers populaires, où l’abstention est habituellement le parti gagnant. Reportage à Vaulx-en-Velin, ville natale du candidat Abdelkader Lahmar.

Oriane Mollaret  • 4 juillet 2024
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Abdelkader Lahmar, l’enfant de Vaulx-en-Velin qui vise l’Assemblée nationale
Abdelkader Lahmar et Manuel Bompard, à Vaulx-en-Velin, le 3 juillet 2024
© Oriane Mollaret

« Il est d’ici ! Il va porter la voix des quartiers populaires ! » Entre deux flots de musique arabe, un fourgon s’époumone dans les rues de Vaulx-en-Velin, en périphérie lyonnaise. Derrière, un cortège improvisé entoure Abdelkader Lahmar, professeur d’économie-gestion au lycée professionnel du coin et surtout candidat du Nouveau Front populaire (NFP) pour la 7e circonscription du Rhône. Hétérogène, elle regroupe les banlieues résidentielles de Sathonay-Village et Sathonay-Camp, ainsi que les communes plus précaires de Rillieux-la-Pape, Bron et Vaulx-en-Velin. C’est sur cette dernière que mise Abdelkader Lahmar. À cinq jours du second tour, Manuel Bompard, le coordinateur national de la France insoumise, est venu le soutenir dans l’emblématique quartier du Mas du Taureau, au nord de Vaulx-en-Velin.

« Nous occuper de nous par nous-mêmes »

J’ai vu apparaître la folie de l’extrême droite. Je n’avais pas conscience de son ampleur.

A. Lahmar

C’est entre ces barres d’immeubles trapues qu’Abdelkader Lahmar a grandi. Il a 19 ans quand le jeune Thomas Claudio décède, percuté par la police. Le soir même, des émeutes éclatent dans le quartier du Mas du Taureau. Le jeune Abdelkader Lahmar, alors étudiant, s’engage dans le milieu associatif vaudais. « Nous nous sommes rendu compte que nous pouvions nous occuper de nous par nous-mêmes », résume-t-il, souriant, en traversant ledit quartier. Après ses études, il revient à Vaulx-en-Velin et intègre le lycée professionnel des Canuts, où il enseigne depuis 28 ans. Peu à peu, il s’investit sur le terrain politique local. Aux élections municipales de 1995, il participe à la liste citoyenne Le choix vaudais. Pour celles de 2019, il cofonde le Mouvement d’initiative vaudais, un collectif d’habitants soucieux de porter la voix des quartiers.

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Quand il emmène ses élèves visiter l’Assemblée nationale, Abdelkader Lahmar ne s’imagine pas briguer un jour l’un des sièges de velours rouge de l’hémicycle. Et pourtant. Lors de la présidentielle 2022, il est atterré par les débats. « J’ai vu apparaître la folie de l’extrême droite. Je n’avais pas conscience de son ampleur. Tout le monde se lâchait, même la droite. » Il se joint au collectif On s’en mêle, qui réunit des militants des quartiers populaires de toute la France, pour soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Aux législatives, le parachutage de candidats parisiens dans les quartiers en fait déchanter plus d’un. Alors, Abdelkader Lahmar s’y colle, sous la bannière de la Nupes. Alexandre Vincendet, ancien maire de Rillieux-la-Pape et candidat des Républicains, lui ravit le siège à 2 000 voix près.

Une triangulaire avec un ex-LR et le RN

Cette année pourrait être la bonne. Au premier tour, Abdelkader Lahmar a récolté 46 % des suffrages. Dans la commune très métissée de Vaulx-en-Velin, la crainte de voir le Rassemblement national (RN) accéder au pouvoir est palpable. À chaque coin de rue, sur chaque bout de place de Vaulx-en-Velin, des habitant·es interpellent le candidat NFP. « J’ai voté pour vous et je revoterai pour vous, il ne faut pas que le RN passe ! » lui assure une femme, la cinquantaine. « Ma fille n’a pas voté au premier tour mais je l’ai appelée et elle descend voter à Vaulx dimanche ! » renchérit une seconde.

Des adolescents du quartier viennent le saluer. « Je le fais aussi pour mes élèves, précise Abdelkader Lahmar. J’ai vu l’échec scolaire, la misère et la précarité dans laquelle certains vivent. » Ismaël, étudiant en droit, est venu de la Duchère, un quartier populaire du 9e arrondissement de Lyon. « C’est le même combat », affirme-t-il.

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Le 7 juillet, Abdelkader Lahmar affrontera de nouveau Alexandre Vincendet (27 % au premier tour). Le député sortant, exclu des Républicains en mars car jugé trop proche de la majorité présidentielle, se présente sous l’étiquette Horizons. Avec une réputation entachée localement. Condamné par le tribunal de Lyon pour avoir exercé des violences sur son fils, il est également accusé d’avoir financé avec les fonds de la mairie une navette pour un collège privé de Rillieux-la-Pape. Le dernier candidat à s’être qualifié est Cédric Pignal, du RN, avec 21 % des voix. Ce jeune vendeur à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry avait déjà tenté sa chance aux législatives précédentes en tant que suppléant de Tiffany Joncour, l’actuelle patronne du RN du Rhône qui se présente dans une autre circonscription rhodanienne.

« On a notre mot à dire ! »

Cette triangulaire n’effraie pas Abdelkader Lahmar, confiant en la mobilisation des quartiers populaires. « L’abstention est une réponse politique. Les gens ont compris que cette année, le vote est plus puissant », affirme-t-il. Dans la 7e circonscription du Rhône comme dans le reste de la France, la participation a été massive au premier tour. Y compris à Vaulx-en-Velin, régulièrement sacrée championne de l’abstention. Le 30 juin, 51 % des habitant·es sont allé·es voter, contre 28 % – à peine – en 2022. Or, dans la « banlieue rouge », quand ça vote, ça vote à gauche. Leïla, 22 ans, étudiante à Sciences Po Paris, est revenue dans sa ville natale pour tracter pour le candidat vaudais. Née d’une mère éthiopienne et d’un père togolais, la jeune femme a été naturalisée à 16 ans.

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À l’idée que le RN soit majoritaire à l’Assemblée nationale, la colère le dispute à l’inquiétude. « Quand ils parlent de remettre en question le droit du sol, ça me fait rire, ironise-t-elle. La nationalité française n’est pas une des plus simples à obtenir. Je suis née en France, j’ai fait toute ma scolarité en France et pourtant je n’étais pas française ! » Elle parle d’un véritable « électrochoc » dans les quartiers au lendemain de la vague brune des européennes.

Les immigrés font partie de l’histoire française (…) Bardella ne peut pas détruire l’histoire !

Noa

« Les personnes racisées, de banlieue, ont compris que même si elles ne s’intéressent pas à la politique, la politique s’intéresse à elles. Et on a notre mot à dire ! » Noa hoche la tête. Elle ne peut pas voter. Cette Tunisienne de 41 ans, qui vit à Vaulx-en-Velin depuis 10 ans, n’a jamais demandé la nationalité française. Pourtant, elle est venue soutenir Abdelkader Lahmar. « Le RN ne parle que d’immigration, s’indigne-t-elle. Les immigrés font partie de l’histoire française. Ce sont eux qui ont construit les murs, travaillé dans les mines, le textile. Bardella ne peut pas détruire l’histoire ! » Réponse ce dimanche 7 juillet.

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