Contraception : cette pilule qui ne passe plus

En 1967, les Françaises obtiennent le nécessaire droit à la contraception. Près de soixante ans plus tard, de plus en plus de femmes hétérosexuelles dénoncent l’inégale répartition de cette question dans leur couple.

Salomé Dionisi  • 15 novembre 2024 abonné·es
Contraception : cette pilule qui ne passe plus
© Reproductive Health Supplies Coalition / Unsplash

Il était optimiste, le discours du député Lucien Neuwirth pour faire adopter la loi légalisant la contraception : « Un pas considérable vers une nécessaire amélioration des conditions d’existence de la femme, laquelle a supporté seule, jusqu’à présent, tout le poids de la fécondité. »

Certes, c’est un immense soulagement pour les femmes hétérosexuelles de ne plus vivre dans la peur des grossesses non désirées. Certes, elles sont de plus en plus nombreuses à avoir accès à ce droit fondamental dès 1974, lorsque l’État rembourse enfin les contraceptifs médicaux. Mais, cinquante ans après, le poids de la contraception pèse toujours sur les mêmes corps.

En France, 70 % des femmes qui ne souhaitent pas tomber enceintes ont recours à des méthodes de contraception féminines. Pourtant, ce sont les hommes qui sont fertiles tout au long du mois, et durant bien plus d’années que les femmes. Une énorme disparité pourtant moins importante qu’avant la « crise de la pilule ». Dans les années 2010, en effet, des premiers cas d’AVC imputés à l’utilisation de contraceptifs hormonaux sont médiatisés.

Cette ordonnance a été renouvelée par des gynécos pendant huit ans sans que personne ne la remette en question.

Elsa

La pilule magique tombe de son piédestal et la société commence à s’interroger sur les effets secondaires vécus par les femmes. En trois ans, le recours à la contraception orale passe de 50 % à 41 %. Aujourd’hui, les autorités sanitaires reconnaissent que la prise de pilules dites « combinées » – les plus utilisées – augmente le risque de maladies cardiovasculaires et de formation de caillots de sang dans les veines.

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Pourtant, le corps médical continue à prescrire cette méthode sans se poser de questions. Elsa avait 14 ans quand sa généraliste lui a prescrit sa première pilule : « Elle n’a pas cherché à savoir si j’avais des contre-indications. Cette ordonnance a été renouvelée par des gynécos pendant huit ans sans que personne ne la remette en question. »

Les maux de tête accompagnés de troubles de la vision et de la parole se multiplient. La jeune fille décide seule d’arrêter son contraceptif, et les crises disparaissent. « J’ai fini par trouver une gynéco qui m’a confirmé que les migraines dont je souffrais étaient incompatibles avec la prise de ce contraceptif. Personne ne me l’avait dit. »

Quand Elsa arrête sa pilule, dix ans se sont écoulés depuis les premiers cas médiatisés d’AVC. Même lorsque l’impact sur le corps est moindre, il existe : acné, baisse de la libido, douleurs, fluctuation de l’humeur et du poids, etc. Différentes études sociologiques sur la contraception le montrent : pour celles dont le corps souffre, les maux sont peu pris au sérieux par le corps médical.

Passer le relais

Peu à peu, dans les discussions entre femmes et sur les réseaux sociaux, le tabou se transforme en sujet de conversation. « J’ai commencé à prendre la pilule à l’adolescence, et je ne me suis pas posé de questions jusqu’à ce que je tombe sur des publications sur Instagram qui parlaient des effets secondaires. Certaines de mes copines en parlaient aussi, alors j’ai fait mes recherches », détaille Marion, 27 ans, quelques mois après avoir arrêté la pilule.

Quand les femmes cessent de prendre en charge la contraception, elles ne se délestent pas seulement des effets secondaires sur leur corps, mais aussi d’une charge mentale. Quand Elsa a passé le relais à son copain, elle a senti la différence dans son organisation quotidienne. La question financière se pose aussi : « Je ne vois pas pourquoi les frais de consultation et de pharmacie ne sont pas partagés dans les couples, alors que la contraception concerne les deux partenaires. Les frais pour un enfant le sont bien. »

Après le ‘réarmement démographique’ de Macron, ça va être compliqué pour un ministre de la Santé de faire la promotion de la contraception masculine.

S. Clot

Même constat du côté de Samuel Clot, qui a opté pour la vasectomie, une méthode de contraception définitive (quoique réversible). Il décide de médiatiser son choix sur les réseaux sociaux à travers des contenus pédagogiques et militants : « Beaucoup d’hommes associent cette opération à une castration. Déjà, il y a un manque d’information sur le sujet. Le mythe de la virilité en prend un coup. Il y a des réactions très violentes parce qu’on touche au sacro-saint organe sexuel masculin. »

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Des préjugés qui ont la vie dure, d’autant que l’État n’y met pas du sien. Les médecins sont peu informés sur la contraception masculine, donc ils ne la proposent pas en consultation. Idem pour la prévention des maladies sexuellement transmissibles, comme le vaccin contre le papillomavirus, proposé uniquement aux filles jusqu’en 2021. Les campagnes de sensibilisation sont inexistantes, et la recherche avance lentement. Certaines méthodes ont même été abandonnées parce qu’elles provoquaient des effets secondaires.

Résultat : les Français sont moins nombreux que leurs voisins européens à utiliser des méthodes de contraception masculines. Une situation qui indigne Samuel Clot : « Ces pays ne sont pas des sociétés moins patriarcales que la nôtre. La différence tient à un manque de sensibilisation de la part des autorités de santé en France. Après le ‘réarmement démographique’ de Macron, ça va être compliqué pour un ministre de la Santé de faire la promotion de la contraception masculine. » 

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