Syrie : massacre en terre alaouite, le péril communautaire

En représailles aux attaques de miliciens alaouites, encore sans doute à la solde du frère du tyran Assad, les forces de sécurité et groupes affiliés du nouveau régime syrien se sont livrés à un déchaînement de violence, faisant 1 300 morts. Le retour du mal endémique de la Syrie ?

Denis Sieffert  • 10 mars 2025 abonné·es
Syrie : massacre en terre alaouite, le péril communautaire
Rassemblement organisé par des militants syriens et des représentants de la société civile, sur la place al-Marjeh à Damas, le 9 mars 2025.
© AFP

Les premiers coups de feu ont été tirés, le 6 mars, par des miliciens alaouites sans doute encore à la solde du terrible Maher al-Assad, frère du tyran déchu. Seize gardes défendant des barrages de sécurité ont été tués dans la région côtière du nord-ouest de la Syrie, peuplée majoritairement d’Alaouites, qui ont la malheureuse et simpliste réputation d’avoir soutenu l’ancien régime. Quelques semaines auparavant, déjà, les anciens partisans de Bachar s’étaient opposés à la capture d’un tortionnaire recherché par les forces du nouveau régime.

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On a d’abord pu penser que le nouveau président, Ahmed al-Charah, allait contrôler la situation. Cet espoir s’est rapidement révélé vain. « Les forces de sécurité et des groupes affiliés » se sont livrés à un déchaînement de violence qui a fait 1 300 morts, dont 830 civils alaouites, selon ­l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Le massacre n’a épargné ni les femmes ni les enfants. Les tueurs sont probablement tous issus du mouvement très composite Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui a renversé Bachar al-Assad en décembre dernier.

Fragilisation

Ahmed al-Charah s’est empressé d’annoncer la création d’une commission d’enquête indépendante. Le nouveau chef de l’État a bien compris que le massacre des populations alaouites contredit un discours qui se veut rassurant, et fragilise sa position internationale au moment où la Syrie demande la levée des sanctions.

On jugera dans les prochaines semaines de la capacité d’al-Charah à museler les plus radicaux de ses alliés.

On ne peut pas exclure que ce déchaînement de violence soit l’œuvre de jihadistes opposés, au sein même d’HTC, à la tentative de normalisation d’al-Charah. La question est de savoir si cette tuerie marque le retour de la violence communautaire, le mal endémique de la Syrie. L’attitude de la communauté kurde, elle aussi surarmée, à l’est du pays, sera déterminante. On jugera surtout dans les prochaines semaines de la capacité d’al-Charah à museler les plus radicaux de ses alliés.

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Le pire pour lui serait que les Occidentaux s’empressent de mettre en doute ses efforts de démocratisation dans un pays à peine sorti de six décennies de dictature. Toujours prompt à souffler sur les braises, le gouvernement israélien, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, a immédiatement exhorté l’Europe à « cesser d’accorder une légitimité » au nouveau pouvoir de Damas. C’était tellement mieux avec Bachar al-Assad…

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