Vider les caisses pour mieux réduire les dépenses
En organisant l’assèchement des comptes publics, la politique économique d’Emmanuel Macron est directement responsable de l’explosion du déficit public et de la dette de ces dernières années. Sans que cela ne la remette en question.
dans l’hebdo N° 1863 Acheter ce numéro

Un coup à droite, un coup à gauche. À son arrivée au pouvoir, le macronisme était souvent qualifié de « girouette », sans proposition politique claire. Le qualificatif colle très mal, en revanche, à la politique économique menée par Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs. De ce côté, en effet, la constance est de mise. Depuis 2017, la Macronie mène, sans ciller, une politique de l’offre, visant à baisser le coût du travail et à « faciliter l’investissement » en réduisant les impôts dits de production.
La liste des mesures mises en place est longue comme le bras : suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) – remplacée par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) –, suppression de la progressivité de l’impôt sur le capital, remplacé par la « flat tax », pérennisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), baisse de l’impôt sur les sociétés, etc. Autant de réformes, menées tambour battant, qui ont créé une inégalité structurelle entre les revenus du travail et ceux du capital. Comme le relevait Le Monde en 2023, un contribuable gagnant 1 million d’euros de salaires est taxé à plus de 54 %, tandis qu’un actionnaire percevant 1 million d’euros de dividendes le sera à 30 %.
L’idée générale de cette politique est assez simple à comprendre : en réduisant les charges qui incombent aux entreprises et aux entrepreneurs, ceux-ci vont pouvoir produire davantage, être plus compétitif et donc créer une croissance rythmée qui « ruissellera » sur toute l’économie. Huit ans après l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de l’État, force est de constater que ce cycle vertueux ne s’est pas produit.
La faute, selon le locataire de l’Élysée, à des crises à répétition, avec notamment l’enchaînement du covid-19 et de la guerre en Ukraine. Des explications exogènes qui ne suffisent pas, pourtant, à justifier le délabrement économique auquel la France fait face ces derniers mois. Les finances publiques ont déraillé, le déficit public atteignant 5,8 % du PIB.
Détricotages des dépenses sociales
Les dépenses exceptionnelles pour gérer ces crises expliquent en partie ce déficit record. Mais en partie seulement. Et, comme le rappelle la Cour des comptes, « la période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB ».
Le montant est d’envergure. Et ces réductions d’impôts n’ont pas eu les effets escomptés. Le chômage a baissé ? Certes, mais plusieurs données permettent de nuancer drastiquement ce « succès ». Tout d’abord, une comparaison européenne permet de se rendre compte que la France est loin d’être parmi les meilleurs élèves sur la période. Et que les emplois créés – pour beaucoup en apprentissage – ne sont que d’une piètre qualité : les données sur l’état des conditions de travail dans l’Hexagone, dégradées selon presque tous les indicateurs, sont particulièrement inquiétantes.
La croissance promise ne montre pas le bout de son nez et reste atone.
La France est-il le pays le plus attractif à l’échelle européenne ? En nombre de projets d’investissements étrangers, oui. Mais c’est à peu près tout. « Le nombre d’emplois créés [du fait de ces investissements, N.D.L.R.] devrait au minimum être rapporté à la taille du pays pour que la comparaison ait du sens. Une fois cet ajustement fait, la France arrive en huitième position derrière le Portugal, la Serbie, l’Irlande, la Hongrie, l’Espagne, le Royaume-Uni et la Grèce », tacle, dans une tribune publiée dans Le Monde, l’économiste Lucas Chancel. Pourtant, l’élément de langage est encore repris ces derniers jours par les macronistes lors de la tenue du sommet Choose France, à Versailles, où Emmanuel Macron reçoit en grande pompe de nombreux grands patrons du monde entier.
La croissance promise, elle, ne montre pas le bout de son nez et reste atone. Elle ne devrait même pas atteindre les 0,9 % espérés par le gouvernement en 2025. C’est le revers de la médaille : après avoir créé une crise des recettes et, donc, un déficit important, les macronistes ne comptent pas faire marche arrière. Augmenter les impôts est un « tabou ». La seule option à leurs yeux pour le résorber est de s’attaquer aux dépenses.
L’acharnement mis à détricoter les droits des chômeurs, à baisser les aides au logement, à conditionner les droits au RSA ou à augmenter l’âge de départ à la retraite laisse peu de place au doute sur les intentions futures du pouvoir en place. « On doit, d’ici à 2029, faire 70 euros d’économies sur 1 000 euros de dépenses publiques. […] Le cœur de la bataille, c’est de garder une réforme des retraites ou d’avoir quelque chose qui, au moins, est aussi rentable que celle que l’on a votée, et de freiner la dynamique des autres dépenses sociales, c’est-à-dire le chômage et la santé », a d’ailleurs assumé Emmanuel Macron lors de son entretien fleuve sur TF1, la semaine passée. De ce côté-là aussi, le chef de l’État est constant.
Pour aller plus loin…

Politis a trouvé de l’argent magique !

Extrême droite : comment le patronat se prépare à collaborer

Faire face à la guerre commerciale de Trump
