La TVA n’est pas sociale

Emmanuel Macron réactive le vieux serpent de mer d’une « TVA sociale » pour financer la protection sociale. Une idée qui serait néfaste pour les plus précaires. Ce dont nous avons besoin, c’est moins d’une nouvelle TVA que d’une « taxe anti-privilèges ».

Jean-Marie Harribey  • 21 mai 2025
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La TVA n’est pas sociale
© Nathana Rebouças / Unsplash

Emmanuel Macron projette sans le dire de créer une « TVA sociale » pour financer la protection sociale. Dissipons d’abord un malentendu. Comme les salaires et les profits, tout prélèvement s’opère sur la valeur ajoutée : cotisations sociales, impôts directs et indirects telle la TVA. Et toute la valeur ajoutée provient du travail. Sur le plan global de l’économie, sans travail, point de valeur. Tous les éléments précédents se retrouvent dans les prix des biens et services.

Donc, si les travailleurs produisent toujours tout, les consommateurs acheteurs en paient le prix monétaire. L’instauration d’une TVA dite sociale ne changerait globalement pas la donne puisque la valeur ajoutée aurait toujours la même source (le travail) et qu’elle serait toujours acquittée par les mêmes (les consommateurs). Mais, sur le plan individuel, le poids ne reposerait pas sur les mêmes épaules.

La TVA est un impôt proportionnel, donc injuste.

Si, pour équilibrer les comptes de la Sécu, on augmente les cotisations sociales salariales, on diminue les salaires nets, et si on augmente celles dites patronales, on diminue les profits en l’absence d’augmentation des prix de la part des entreprises. Si, au lieu de cela, on bascule le financement de la protection sociale vers la TVA, les cartes sont rebattues : les individus qui versent surtout des impôts indirects (les pauvres, parce qu’ils ne paient pas ou peu d’impôts sur le revenu) voient leur contribution à la chose publique s’alourdir, et les individus dont les impôts sont avant tout directs voient la leur s’alléger.

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Selon ses partisans, la TVA sociale diminuerait le coût du travail, comme si c’était le facteur déterminant de l’emploi, oubliant la productivité et la répartition des gains de celle-ci. Et ils sous-estiment les faits suivants. La TVA est un impôt proportionnel, donc injuste, et elle pèse plus que l’impôt sur le revenu (184 milliards contre 117 en 2024). Et sa hausse est inflationniste si elle est répercutée dans les prix, tandis qu’une baisse est absorbée par une augmentation du taux de marge des entreprises.

Par rapport aux pays étrangers, la TVA sociale est une dévaluation déguisée pour doper les exportations car leurs prix sont exemptés de TVA. Mais l’avantage supposé disparaît si les voisins font de même. Si la comparaison inclut les pays à bas salaires, aucun taux de TVA ne compensera les écarts salariaux entre ces pays et le nôtre.

La TVA sociale décharge les entreprises de la responsabilité de payer toutes les composantes du salaire.

La TVA sociale décharge les entreprises de la responsabilité de payer toutes les composantes du salaire, dont la cotisation sociale. Cette défausse sur la collectivité n’est pas neutre au regard de la répartition de ce paiement entre catégories sociales. Face à une TVA qui n’a rien de magique, il y a d’autres solutions pour réformer le financement de la Sécu. L’une d’elles serait d’élargir l’assiette des cotisations sociales aux revenus salariaux non soumis à cotisation : les primes, la participation, l’intéressement, les heures supplémentaires sans cotisations vieillesse dans la limite de 11,31 % du salaire.

Enfin, pourquoi ne pas soumettre les dividendes à cotisations sociales en remplacement du taux de 17,2 % de prélèvements sociaux inclus dans la flat tax de 30 % sur les revenus du capital ? Si on intégrait les profits dans l’assiette, la répartition du financement de la protection sociale entre les entreprises de main-d’œuvre et les entreprises plus capitalistiques se rééquilibrerait en faveur des premières. Finalement, ce dont nous avons besoin, c’est moins d’une nouvelle TVA que d’une « taxe anti-privilèges ».

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