Mélenchon, le meilleur et le pire

Pertinent en politique française, Mélenchon peine à faire oublier un imaginaire géopolitique inquiétant.

Denis Sieffert  • 26 août 2025
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Mélenchon, le meilleur et le pire
Jean-Luc Mélenchon pendant son discours lors des Universités d'été du parti LFI à Châteauneuf-sur-Isère, dans le sud-est de la France, le 22 août 2025.
© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Qui est Jean-Luc Mélenchon ? La question peut paraitre incongrue s’agissant d’un personnage qui occupe le paysage politique depuis un demi-siècle. Mais l’homme cultive les contradictions, et il a le don des rétablissements acrobatiques. Il se sort à peine d’un mauvais pas sur Poutine et l’Ukraine, après son blog calamiteux du 14 août, que le voilà brillant quand on l’interroge sur la question de confiance provoquée par François Bayrou.

Sur ce sujet, on ne saurait le contredire quand il affirme que la crise procède d’un choix idéologique de la droite, qu’il faut rompre avec la politique de l’offre, et faire porter l’effort sur les recettes en ponctionnant les grandes fortunes. Ni lorsqu’il cite l’exemple en effet inspirant de l’Espagne. Entre parenthèses, un pays dirigé par des sociaux-démocrates… En cela, son discours ne le distingue d’ailleurs pas de ses partenaires de gauche. Il dit juste aussi sur les institutions, même s’il est trop visible qu’il meurt d’envie de se lancer dans une nouvelle campagne électorale. Il parle même de démocratie.

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Mais là, nous revient l’autre Mélenchon. Celui qui galère en géopolitique. Celui qui, tel un « visiteur », semble échappé d’une autre époque. Celle de Georges Marchais et de Léonid Brejnev, quand l’antagonisme est-ouest suffisait à expliquer le monde. Au mot près, son discours est celui de l’autocrate russe : l’agression vient de l’Otan et de l’Union européenne ; Volodymyr Zelensky « n’est président de rien ».

Angle mort

Comme Poutine, Mélenchon se prononce pour des élections sous les bombes russes. Il répète sans fard les mensonges du Kremlin : Zelensky aurait interdit syndicats et partis d’opposition, ce qui ne vaut en réalité que pour des mouvements ouvertement russes. Et, enfin, les intentions belliqueuses de la Russie en Europe sont une « fable ». Revoilà Maurice Thorez qui justifie l’écrasement du soulèvement de Budapest d’octobre 1956.

Jean-Luc Mélenchon continue de croire qu’une guerre idéologique fait rage entre Poutine et Trump.

Mais il y a un autre angle mort dans la vision géopolitique de Mélenchon. Il continue de croire qu’une guerre idéologique fait rage entre Poutine et Trump. Il ne veut pas voir que l’Américain est complice du Russe, et que s’il cède à ses exigences, ce n’est pas tant par faiblesse que par une convergence profonde. L’un et l’autre sont partisans de régimes autoritaires où toute liberté politique et médiatique est abolie, et où la notion de séparation des pouvoirs est bannie.

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C’est fait en Russie, c’est à l’œuvre aux États-Unis. Des sociétés où les Églises, dans ce qu’elles ont de pire, imposent leur morale, où la xénophobie et l’homophobie ont force de loi, où les juges sont harcelés. Et encore ceci : non, Poutine n’impose pas à Trump un redécoupage de l’Europe parce que c’est aussi le vœu du président américain. Les déclarations férocement anti-européenne du vice-président J. D. Vance ont été assez claires à cet égard.

Mélenchon dont l’anti-américanisme est soudain déboussolé, cherche refuge dans un poutinisme inquiétant.

Trump et Poutine ont une commune détestation de l’Europe qui, malgré tous ses défauts, incarne encore des valeurs de démocratie et de pluralisme. C’est l’espoir des Ukrainiens. Leur résistance n’est pas seulement une affaire de frontières. Le tapis rouge déroulé sous les pas de Poutine en Alaska, le 15 août, n’était pas le symbole d’une capitulation, mais un pacte de complicité.

Nous assistons avec Trump à un renversement de l’ordre géopolitique ancien. Ce que n’a pas vu ou ne veut pas voir Mélenchon dont l’anti-américanisme est soudain déboussolé, et qui cherche refuge dans un poutinisme inquiétant. L’épisode de l’interdiction du journaliste du Monde aux journées d’été de LFI s’inscrit parfaitement dans ce tableau. La question démocratique est toujours l’angle mort de la pensée Mélenchon.

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Parti pris

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