Palestine : ce n’est pas la fin de l’histoire
La paix a été célébrée ce 13 octobre, mais elle est plus que jamais impossible sans le droit et la justice rendue aux Palestiniens.
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© Maxime Sirvins
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Effacer les Palestiniens : la fabrique médiatique du vide politique « Il est difficile d’imaginer qu’Israël tolère une élection nationale palestinienne »Pas plus que le 7 octobre 2023 ne fut le début de l’histoire, le 13 octobre 2025 n’en sera la fin. Peut-être, est-ce une page qui se tourne dans ce livre trop lourd relatant cette guerre coloniale vieille d’au moins sept décennies, mais le bonheur immense des familles israéliennes et palestiniennes retrouvant leurs proches ne nous dit rien de la suite. Tout juste à cet instant, l’intime s’est émancipé de l’histoire. Mais les fondamentaux du conflit demeurent. Une partie du territoire palestinien est anéantie, l’autre, la Cisjordanie, ouverte plus que jamais à la violence et à la rapine de colons fanatiques. Ce n’est pas un nouveau récit qui se construit, c’est le même qui se perpétue.
Tout en sommant les Palestiniens de « renoncer au terrorisme », on leur interdit les voies pacifiques.
Donald Trump et Benyamin Netanyahou ont dit aux Palestiniens : « Voyez ce qu’il en coûte de se révolter. » Une fois le message passé, au prix de plus de 67 000 morts, de toute une société dévastée, de milliers d’enfants mutilés, les dirigeants israéliens peuvent reprendre le fil de l’histoire coloniale inaugurée en avril 1948 par ce que les Arabes ont appelé la Nakba, la catastrophe qui a poussé 700 000 Palestiniens à l’exil. Le discours de Donald Trump, devant un parterre de chefs d’État au garde-à-vous, tenait de l’ardoise magique. On efface le génocide et on reprend comme avant. À Gaza, on va gouverner un champ de ruines, en présence ou non de ses habitants, dont on se demande comment ils vont survivre. Et en Cisjordanie, feu vert à la colonisation.
Il n’a surtout pas été question de mêler les Palestiniens à leur propre destin. On prétend s’occuper d’eux sans eux, en les plaçant toujours en face de la même alternative : expulsion ou extermination. Tout dans le plan Trump le démontre, que ce soit cette gouvernance de Gaza qu’il veut présider lui-même, la mise à l’écart de l’Autorité palestinienne ou le refus de libérer Marwan Barghouti, trop populaire, et trop ouvert à la négociation.
Tout en sommant les Palestiniens de « renoncer au terrorisme », on leur interdit les voies pacifiques. La double inconnue dans ce paysage humainement et politiquement dévasté est la mémoire que les peuples vont garder de cet épisode.
La revitalisation de l’Autorité palestinienne devrait être une étape obligée.
Les Israéliens vont-ils retenir de Netanyahou qu’il a fait de leur pays un État paria qui fait honte à ses ressortissants ? « Pour la première fois de ma vie, j’ai honte d’être israélien », disait récemment l’historien et ancien ambassadeur Élie Barnavi. Ou vont-ils passer le génocide aux pertes et profits d’une histoire sioniste nourrie depuis toujours d’une morale de la force, et d’un racisme inextinguible ? Il y aura les deux bien sûr, mais qui l’emportera ? Nul ne sait. La première réponse à cette question résidera dans le sort qui sera réservé à Netanyahou lui-même. Sera-t-il battu aux prochaines élections, et par qui ? Avec ce handicap terrible que ce pays n’a plus de représentation politique de la gauche depuis plus de vingt ans.
En attendant, le premier ministre israélien va guetter la moindre occasion de reprendre sa guerre contre un ennemi qui n’existe plus mais qui l’immunise contre ses déboires judiciaires. L’affaire du désarmement du Hamas peut être ce prétexte-là. La même question du bilan se pose du côté palestinien, mais en des termes évidemment très différents. La revitalisation de l’Autorité palestinienne devrait être une étape obligée. Elle passe par des élections qu’Israël peut toujours entraver. Car Israël prétend « éradiquer » le Hamas tout en favorisant sa survie. Et si ce n’est le Hamas, ce sera un autre groupe armé. Tout simplement parce que le peuple palestinien n’a pas disparu, qu’il a le nombre pour lui, et sa culture de résistance.
Le peuple palestinien n’a pas disparu, il a le nombre pour lui, et sa culture de résistance.
Enfin, on ne sait pas ce que les peuples du monde retiendront de ces deux années. On n’avait pas connu pareille mobilisation depuis la guerre du Vietnam. Est-ce que l’ardoise magique de Donald Trump va aussi réussir à effacer cette mémoire-là ? Ce n’est pas sûr du tout. Car l’image d’Israël sort tout de même terriblement abîmée de cet épisode. Et celle des groupes communautaires qui l’ont soutenu, aussi. L’heure est peut-être venue de révisions déchirantes sur la question du sionisme. Une image cependant a de quoi effrayer : celle d’un Donald Trump pérorant à la Knesset et tressant des lauriers au grand criminel Netanyahou. Le postulant déçu au prix Nobel de la paix est celui-là même qui coupe les vivres à l’Usaid, condamnant les pays pauvres au sida et au paludisme, et qui précipite les États-Unis dans quelque chose qui s’apparente au fascisme. Son triomphe a de quoi inquiéter.
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