Économie solidaire / Gisements mutants

Jean-Claude Diébolt  • 30 avril 2008 abonné·es

Depuis presque une décennie, un constat récurrent s’impose à nous : notre tâche de prospection sur les entreprises solidaires novatrices nous montre une intensité non démentie dans les dynamiques de création. Mais, malgré une santé florissante dans les territoires, l’économie solidaire ne se guérit pas d’une maladie chronique : l’insuffisance de ses diagnostics, qui la sous-estiment et n’en valorisent pas les richesses.

Cet article ne peut détailler ces carences pénalisantes : notre réseau, Cheminements, propose pour cela des échanges sur les résultats de recherches. De même, il serait hors sujet ici de raconter comment, des détections d’émergences depuis 1975 jusqu’à l’investigation méthodique de 2008, prolongeant une mission ministérielle entre 2000 et 2002, nous aboutissons à rendre visibles et lisibles les multiples réalisations d’activités expérimentales, socialement innovantes, techniquement novatrices, technologiquement inventives, originales, pionnières, créatrices (7 critères de notre méthodologie). On demandera de nous accorder que dans le paysage des solutions solidaires, il manque une masse méconnue que notre réseau s’évertue à expliciter. Pour des discussions et des informations, nous recommandons vivement le recours à notre site qui héberge le démarrage de « Solidaires et innovants en collectif » (SIC).

Huit ans après le choc initial éprouvé en dévorant les réponses aux appels d’offres ministériels, si Cheminements veut faire vivre cette mission interrompue par les politiques, c’est que l’éblouissement perdure à dénicher les trésors d’ingéniosité généreuse déployés dans la discrétion des territoires.

Le moment est venu, avec le numéro 1000 de Politis , d’inviter les « alterentrepreneurs » encore trop peu reconnus publiquement à se manifester ensemble. D’où le cadre, non contraignant, de SIC, visant à révéler l’ampleur de tous pour pleinement exister, c’est-à-dire « faire Sens – Solidaires et non solitaires ».

L’hypothèse qu’étendre la connaissance élargit d’autant la motivation, nous fait prévoir qu’un collectif apporte l’énergie propre à démultiplier l’audience que méritent les gisements d’une économie mutante. Passer des recoupements méthodiques sur une masse d’informations à un mouvement participatif : voilà le début d’une aventure, celle qui consiste à se familiariser avec de multiples proches encore inconnus.

On pensera aux incidences politiques : les mouvements alternatifs qui se cherchent ne s’appuient pas véritablement sur les ressources d’une société civile créatrice qu’ils ont grand besoin de connaître. Sans quoi, ne nous étonnons pas que l’économie solidaire comme la « gauche de la gauche » demeurent scotchées à une audience confidentielle, marginalisées et sans perspective d’échapper au piège d’un repli frileux.

Notre civilisation industrielle est structurée en une démocratie féodale qui paralyse les forces productives des marchés et des États captifs. À ceci près que des acteurs citoyens, à l’écart des castes dirigeantes, instaurent des ferments de productions et services fonctionnant autrement et que notre SIC veut amplifier en les donnant à voir.
En ce moment de notre histoire, où une droite triomphante est vassalisée par un patronat vorace, notre éclairage sur les dynamiques solidaires se donne vocation de contrebalancer les dégâts résultant de la déshérence étatique, couplée à un mercantilisme des profits générant les misères. Par un SIC pour faire Sens, nous osons convier à l’utopie d’un pari : les puissances financières, les lobbies de l’inhumanité comptable, non plus que les chantres méprisants d’une « modernité » régressive, ne sont-ils pas impuissants à interdire les créativités citoyennes, si les forces vives de transformation se rendent massivement visibles ? Prenons date : nous attendons chaque novateur dans le SIC ouvert pour le numéro 1000.

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