Taxes toxiques

Les nouvelles contributions auxquelles sont soumises les mutuelles risquent de provoquer des hausses de cotisation et de fragiliser les plus petites d’entre elles, ainsi que leurs adhérents. Exemple à Toulouse.

Yoran Jolivet  • 9 octobre 2008 abonné·es

Sur les berges du canal du Midi, à Toulouse, se trouve le siège d’une petite mutuelle à l’histoire singulière. Avec ses 27 000 adhérents, la Mutuelle générale des travailleurs salariés, devenue récemment MGTS-­Mutuelles de France, fait figure de Petit Poucet dans le monde de la complémentaire de santé obligatoire. Présente dans toute la région Midi-Pyrénées, elle tire son histoire d’importantes luttes sociales des années 1960, quand la Sécurité sociale subissait ses premières vagues de déremboursement. Des ouvriers des ­usines de papier Job, des succursales de Renault et de l’hôpital Joseph-Ducuing (où furent soignés les Espagnols qui fuyaient le franquisme), tous syndiqués à la CGT, décident alors de se regrouper et d’adopter les principes de base de l’économie sociale, tels que le but non lucratif, l’absence de rémunération des dirigeants et le principe que chaque adhérent dispose d’une voix. Avec la volonté de continuer une mission de solidarité en proposant une offre de santé à tous.

Illustration - Taxes toxiques


La MGTS, en Midi-Pyrénées, compte 27 000 adhérents.
Yoran Jolivet

Ces principes fondateurs régissent les mutuelles de santé, qui protègent 38 millions de personnes et se distinguent des compagnies d’assurance privées. Plus qu’une simple offre de service, « une mutuelle doit également être un acteur du mouvement social », affirme Michel Lapierre, président de la MGTS. Par exemple, cette dernière sollicite régulièrement ses adhérents pour signer des pétitions, comme celle contre les franchises médicales, ou pour ­prendre part au débat sur les réformes du financement de la Sécurité sociale. « On a plus l’impression d’avoir un contact humain et social que commercial » , confie Florence, une employée qui reçoit les particuliers. Mais elle ajoute que « l’avenir est compliqué dans un contexte de concurrence exacerbée, où les gens sont extrêmement sollicités avec des offres alléchantes ».
Les petites structures comme la MGTS sont aujourd’hui fortement concurrencées par un secteur marchand disposant d’importantes ressources finan­cières. À cette situation s’ajoutent de nouvelles mesures de redressement de la Sécurité sociale pour 2009, présentées le 29 septembre, en particulier la taxe d’un milliard d’euros à la charge des complémentaires de santé. Cette contribution au renflouement des caisses de la Sécu est censée « épargner les assurés sociaux » , a déclaré Roselyne Bachelot, ministre de la Santé. Selon elle, les complémentaires disposent de trésorerie permettant de supporter cette ponction. Or, « cette taxe est tout simplement insupportable pour les petites mutuelles » , lui répond Michel Lapierre. Elle devrait s’élever à 3 ou 4 % du chiffre d’affaires, et, pour le président de la MGTS, il sera quasiment impossible de ne pas la répercuter sur les cotisations.

La mutuelle toulousaine souligne aussi que des augmentations risqueront à terme d’écarter de la complémentaire les citoyens les plus démunis, sachant que 8 % des Français en sont déjà privés. « Ces pratiques sont contraires à l’esprit des mutuelles » , soutient Michel Lapierre, bien que la MGTS ait également dû mettre fin à la cotisation unique. « Le marché a tout explosé », justifie le mutualiste. Cependant, au siège toulousain, on veut continuer à solidariser le risque sans creuser des écarts de cotisation trop importants. Cette décision a entraîné la perte de contrats d’entreprise en raison de tarifs jugés trop élevés. « Les mutuelles qui jouent le jeu de la concurrence avec les assurances devront abandonner leurs valeurs mutualistes pour continuer d’exister » , estime Christian Boistard, vice-président de l’Union nationale des groupements mutualistes solidaires, une union dissidente (voir ci-contre). Sinon, la concurrence entre complémentaires éliminera les moins rentables.

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