Au bonheur des riches

Le projet de loi de finances pour 2010 favorise les entreprises et les hauts revenus, et délaisse la protection sociale.

Thierry Brun  • 8 octobre 2009 abonné·es
Au bonheur des riches

En présentant un « budget de sortie de crise » pour 2010, le Premier ministre François Fillon parie sur un « choc de compétitivité » et un transfert massif de la fiscalité vers les entreprises et les marchés financiers qui sont à l’origine de ladite crise. Cette orientation néglige l’emploi et le pouvoir d’achat, parents pauvres du budget, alors que le privé a enregistré 580 000 destructions d’emplois cette année et que le gouvernement table sur la disparition de 190 000 autres en 2010, mouvement auquel il participera en supprimant près de 34 000 postes de fonctionnaires l’année prochaine.

Même dans la tourmente d’une crise qui n’est pas terminée, le projet de loi de finances pour 2010, qui sera examiné à partir du 19 octobre à l’Assemblée nationale, maintient le cap libéral des baisses d’impôts ciblées, et la promesse de réduire le déficit record de l’État, de 141 milliards d’euros en 2009 à 116 milliards (8,5 % du PIB) en 2010. Augmenter les impôts est une « voie sans issue », affirme-t-on au gouvernement alors qu’une part importante du déficit est due à ce choix. Il a ainsi nourri la dette et lui donne désormais un caractère explosif en cas de remontée des taux d’intérêt. Éric Woerth, ministre du Budget, a de plus expliqué que la « logique » du Pacte européen de stabilité est maintenue « avec une politique budgétaire permettant de réduire progressivement le déficit public tout en soutenant la croissance ». Certes, la limite de 3 % de déficit fixée par Bruxelles ne sera pas respectée, mais le gouvernement prévoit cependant de le ramener à 5 % en 2013, si la croissance est au rendez-vous.

Pour tenir cet objectif, le gouvernement mise sur le retour de la croissance dès 2010 (0,75 %) en l’accompagnant d’une politique fiscale marquée par le creusement des inégalités et l’accélération du démantèlement de l’État providence. Le déficit de la Sécurité sociale (plus de 33 milliards d’euros) sera comblé en partie par un plan d’économie de l’assurance-maladie, qui représente 2,2 milliards d’euros supportés par les assurés sociaux, avec notamment la hausse du forfait hospitalier, le déremboursement de médicaments et la menace d’une imposition des victimes d’accidents du travail. « Les recettes de la Sécurité sociale sont affectées par cette option de favoriser les actionnaires au détriment de la rémunération du travail. Ainsi, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de 5 % de la valeur ajoutée en 1985 à 25 % en 2007 » , relève la CGT.

Près d’un milliard d’euros supplémentaire seront aussi à la charge des ménages en 2010, si l’on ajoute différentes taxes et la hausse des impôts locaux en partie due à la réduction des dotations de l’État aux communes, départements et régions. Et le « verdissement » de certaines mesures fiscales (malus automobile, loi Scellier sur l’investissement locatif, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’un logement, etc.) les rendra moins avantageuses. « On aurait pu penser que, dans un tel contexte, les orientations fiscales allaient être modifiées pour que la répartition de l’effort financier lié à la crise sur la collectivité dans son ensemble soit équitable. Il n’en est rien » , constatent les agents des impôts et du Trésor de l’Union Snui-SUD Trésor.

Les allégements fiscaux les plus importants sont en effet accordés aux entreprises et aux hauts revenus. La mise à plat des niches fiscales, à quelques exceptions près, n’aura pas lieu, ce qui permet à des ménages aisés d’échapper à l’impôt sur revenu : en tout, le manque à gagner s’élève à plus de 70 milliards d’euros chaque année. Le maintien de la loi Tepa (qui contient le bouclier fiscal en faveur des ménages les plus aisés) a un coût estimé à 8,5 milliards d’euros (en 2009). Il faut y ajouter les allégements destinés aux entreprises, prévus dans le budget pour 2010 : 2,4 milliards d’euros pour la TVA à taux réduit pour les restaurateurs ; 11,7 milliards en 2010 pour la suppression de la taxe professionnelle (5,8 milliards en régime de croisière) qui sera compensée pour les collectivités locales (mais combien de temps ?) ; 2,5 milliards pour le remboursement du crédit impôt recherche ; 4,1 milliards d’euros de soutien à l’investissement, sans compter les allégements de cotisations sociales qui s’élèvent à près de 30 milliards d’euros. L’ensemble a un coût très élevé pour relever un pari de la croissance très inégalitaire.

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