À contre-courant / Non au traité Merkozy !

Liêm Hoang-Ngoc  • 16 février 2012 abonné·es

Le traité intergouvernemental que le chef de l’État français s’apprête à signer est doublement inacceptable. Il l’est quant à la procédure antidémocratique adoptée : une convention, engageant le Parlement européen, à défaut d’une constituante, aurait dû ouvrir un débat engageant une modification des règles du jeu dans les constitutions nationales. Il l’est surtout quant au fond, car il durcit dogmatiquement le Pacte de stabilité.

Trois nouveautés sont introduites par rapport au paquet gouvernance (le « six-pack ») adopté en septembre dernier par une majorité de droite au Parlement européen, en codécision avec le Conseil et la Commission. Ce paquet imposait déjà aux États membres de réduire d’un point de PIB par an les déficits publics, en fixant un objectif de déficit structurel de 0,5 % du PIB. Il imposait en outre de réduire de 1/20e le taux d’endettement. Il définissait le montant des sanctions financières que la Commission fixerait en cas de non-respect de ses recommandations. Dans le pistolet antisocial à six coups que représente le six-pack, le nouveau traité ajoute trois cartouches introduites par la chancelière allemande.

La première est la règle d’or d’équilibre budgétaire (le déficit structurel de 0,5 %) que les États doivent inscrire dans leur constitution avant fin 2012. La deuxième est la règle dite de la majorité qualifiée inversée, rendant les sanctions proposées par la Commission automatiques puisque seule une hypothétique majorité qualifiée au Conseil est susceptible de s’y opposer. La troisième est que, pour la première fois, des décisions de politique économique, ayant fait l’objet de choix démocratiques dans un État, pourront être soumises au jugement de la Cour de justice européenne.

Ce traité institutionnalise donc les politiques d’austérité dans toute la zone euro. Celles-ci sont en passe de plonger l’Europe dans une récession durable, de détruire notre modèle social, nos services publics, et de faire payer aux salariés le prix d’une crise dont ils sont les victimes. Dans le même temps, la BCE vient d’octroyer un prêt de 489 milliards d’euros à trois ans et à 1 % d’intérêt aux banques. Curieusement, elles ne sont aucunement suspectées « d’aléa moral », au contraire des États, que les traités interdisent à la BCE de financer directement. Les banques ne manqueront pourtant pas de racheter des titres souverains à 6 %, voire à plus de 10 %, et de poursuivre avec cet argent gratuit leurs activités spéculatives.

Cette Europe-là continue de marcher sur la tête. Ses tenants porteront la responsabilité de son échec. En demandant aux États membres d’inscrire dans le marbre de leur constitution les principes de l’ordolibéralisme cher à la droite allemande, le traité Merkozy va bien plus loin que le titre III de feu le Traité constitutionnel, rejeté le 29 mai 2005, notamment par 60 % des électeurs socialistes.

En cas de victoire de la gauche, on pourrait conseiller au nouveau Président d’organiser un référendum pour dire « non » à ce traité ordolibéral, afin de disposer du rapport de force nécessaire pour renégocier les textes européens. En l’état, ces derniers empêchent la France d’appliquer une politique réellement progressiste.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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