Des tests osseux douteux

Les examens osseux sont détournés d’une visée médicale dans un but politique.

Ingrid Merckx  • 12 mars 2015 abonné·es

Une jeune fille de 17 ans avec une carte d’identité roumaine doit tout de même subir un examen de maturation osseuse. Un Malien change d’âge en passant d’un département à un autre… Près de la moitié des jeunes étrangers qui se présentent à l’ASE en sont exclus car évalués majeurs, soit au cours d’un entretien, soit à l’issue de tests osseux. Ces examens sont largement contestés, notamment par le Conseil de l’Europe et les collectifs de soutien aux migrants, pour des raisons scientifiques et éthiques : établis en 1935 sur un échantillon de population caucasienne pour établir un potentiel de croissance, ils ne peuvent déterminer un âge qu’avec une marge d’erreur d’un à deux ans. Marge qui n’est pas un détail pour des jeunes que la barre des 18 ans exclut d’une prise en charge. C’est la raison de la pétition lancée par RESF contre les tests osseux.

À la radio du poignet s’ajoutent parfois des examens des dents et des parties génitales, « qui peuvent être violents, intrusifs, et ne sont pas plus fiables pour déterminer un âge », s’insurge Marie-Rose Moro, psychiatre et directrice de la Maison de Solenn à Paris. Selon elle, l’information la plus fiable concernant l’âge d’un jeune, c’est ce qu’il en sait lui-même. « L’invalidité des tests osseux est connue, rappelle Jean-François Martini, du Gisti. Pourtant, on continue à s’appuyer sur cette pratique pour trier les jeunes étrangers. C’est devenu l’outil principal d’un mode de gestion. » À la suite de l’intervention du Défenseur des droits, le bilan médical a été en partie remplacé par un questionnaire « expert » dont la fiabilité est tout autant contestée et qui n’empêche pas le juge des enfants de réclamer des tests osseux en complément. « Ces tests sont détournés d’une visée médicale dans un but administratif et politique, alors que les MIE auraient besoin d’un véritable suivi médical », dénonce Marie-Rose Moro. Selon Jean-François Martini, la pétition contre les tests osseux représente « la dernière initiative en date pour alerter sur la maltraitance administrative que subissent les MIE en France ». Les leviers légaux et politiques ont été actionnés, reste à alerter l’opinion.

Temps de lecture : 2 minutes