À gauche, une Corse insoumise… à tous

La liste désavouée par Jean-Luc Mélenchon n’a pas profité de l’absence du PS et du PRG, malgré son engagement antilibéral.

Olivier Doubre  • 6 décembre 2017 abonné·es
À gauche, une Corse insoumise… à tous
© photo : À droite (en bleu), Josette Risterucci, syndicaliste CGT, à l’hôpital de Bastia, en grève de la faim depuis un mois, candidate Corse insoumise.PASCAL POCHARD-CASABIANCA/AFP

Jacques Casamarta, qui conduisait la liste « L’avenir, la Corse en commun » (5,68 %), n’a eu de cesse de le proclamer haut et fort : « Nous sommes la seule liste de gauche à ces élections territoriales ! » À l’annonce de sa constitution, début septembre, cette liste d’alliance entre la Corse insoumise et le PCF avait provoqué un tweet vengeur de Jean-Luc Mélenchon, en froid avec la direction communiste : « Des insoumis ont engagé une liste avec le PCF en Corse sans prendre aucun avis. Je ne soutiens pas cette initiative et condamne cette tambouille. »

La « tambouille » s’inscrivait pourtant dans une démarche tout à fait classique de constitution de liste à la veille d’une élection – à moins de considérer que l’étiquette France insoumise (FI) devrait être exclusive. Emmenée par Jacques Casamarta, militant d’Ensemble !, cette liste était composée d’environ un tiers d’insoumis (souvent issus de la branche insulaire d’Ensemble !), d’un tiers de communistes – dont, à la deuxième place, l’élue territoriale Josette Risterucci, syndicaliste CGT du centre hospitalier de Bastia (au bord de la faillite), en grève de la faim depuis un mois – et d’un tiers de militants syndicaux, culturels ou en faveur de l’environnement. « Nous avons voulu réunir, explique la tête de liste, ceux qui manifestent ensemble depuis deux ans contre El Khomri et Macron. En respectant toutes les sensibilités. Et la Corse insoumise, par un vote démocratique, a approuvé cette initiative à 85 %. »

Le candidat a donc axé son discours contre les inégalités et les politiques néolibérales, parisiennes autant qu’européennes, non sans un certain écho, notamment auprès des jeunes, particulièrement frappés sur l’île par la précarité saisonnière et le chômage. Mais aussi sur la défense des services publics, dans le droit fil d’une gauche attachée aux conquêtes républicaines : « Nous ne sommes pas contre l’autonomie, soulignait Jacques Casamarta la semaine dernière, car nous sommes en faveur d’une stratégie autogestionnaire. Mais la Corse a besoin de la solidarité nationale. » Une position qui le fait se démarquer clairement des nationalistes.

C’est peut-être là qu’était sa faiblesse : convaincant sur les inégalités, criantes sur l’île, ce discours oubliait quelque peu les rapports conflictuels, ou pour le moins complexes, avec Paris, bien présents, eux, dans l’esprit des Corses. Jacques Casamarta a voulu croire que ceux-ci « se fichent de la question de l’autonomie », écrasés qu’ils sont par leurs problèmes sociaux. Or, Jean-Luc Mélenchon ne l’a pas raté sur ce point : « S’il y a trois députés sur quatre autonomistes, il y a la nécessité d’un dialogue politique avec eux. […] En leur demandant : “En quoi votre projet autonomiste peut-il recouper un projet socialement et écologiquement progressiste ? [1]. »

Retranché derrière le vote démocratique des insoumis corses, Jacques Casamarta aura tiré jusqu’au bout des flèches acerbes sur le leader de la France insoumise : « Les décisions pour la Corse ne se prendront en aucun cas à Paris, fût-ce par Jean-Luc Mélenchon ! Nous n’avons pas besoin d’un homme providentiel ancré dans la Ve République. Nous voulons recréer une vraie gauche dans cette île, favorable à une 6e République, en respectant les sensibilités de chacun. Pas une gauche au garde-à-vous. La FI doit être irriguée par la démocratie. Sur ce point, la Corse insoumise a montré l’exemple. » Un discours et des objectifs qui n’ont pas convaincu les électeurs corses.

[1] Répondant à un journaliste, en marge de la convention de la FI, à Clermont-Ferrand, le 26 novembre dernier.

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