Logement : une loi de régression sociale

Les députés ont adopté le projet de loi Élan, qui propose bien des « simplifications » contestables pour relancer la construction.

Michel Soudais  • 12 juin 2018 abonné·es
Logement : une loi de régression sociale
© photo : LOIC VENANCE / AFP

Sans surprise, les députés ont adopté, mardi 12 juin, le projet de loi Élan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), par 342 voix pour et 169 contre. Les députés LREM et MoDem ont voté pour, les élus UDI-Agir se sont abstenus et LR et les trois groupes de gauche ont voté contre. L’examen de ce texte, qui compte désormais plus d’une centaine d’articles, s’était achevé à 3h15 le samedi précédent, après 88 heures de débat en « temps législatif programmé », une procédure destinée à limiter la durée de discussion des groupes. Ayant atteint le temps de parole de son groupe, le communiste Stéphane Peu n’a pu défendre vendredi soir un amendement de la Fondation Abbé-Pierre destiné à lutter contre l’habitat indigne, et les socialistes furent empêchés par le règlement de le reprendre.

Ce projet de loi, qui va être examiné au Sénat, renforce les moyens de lutter contre les marchands de sommeil : « Jamais un texte n’est allé aussi loin », a vanté Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, qui a soutenu et fait adopter des amendements communistes sur cette question. Il renforce également l’encadrement des locations touristiques de type Airbnb, avec notamment des sanctions accrues contre les propriétaires ne respectant pas leurs obligations et de nouvelles amendes pour les plateformes. Et met fin à la clause de solidarité en cas de violences conjugales.

Mais à côté de ces dispositions positives, bien des « simplifications » voulues par le gouvernement pour relancer la construction sont contestables : possibilité de déroger aux règles d’urbanisme pour certains aménagements, assouplissement de la loi littoral… L’abaissement de 100 % à 10 % de la part des logements accessibles aux handicapés dans les constructions neuves, où 90 % des logements ne seront plus qu’« évolutifs », constitue une régression sociale dont seront victimes les personnes en situation de handicap et les personnes âgés.

Les évolutions imposées au secteur du logement social seront également grosses de conséquences : regroupement forcé des 861 bailleurs sociaux dans des organismes gérant au moins 15 000 logements d’ici à 2021 ; facilitation des ventes de logements sociaux aux locataires mais aussi en bloc à des acteurs privés ; comptabilisation des logements ainsi vendus dans les quotas de logements sociaux des villes durant dix ans, ce qui affaiblit la loi SRU.

La spéculation et la ségrégation vont en sortir renforcées, dénoncent plusieurs députés de gauche qui pointent aussi des dispositions jouant contre la mixité sociale. Notamment la possibilité pour les préfets de réquisitionner des locaux vacants dans ces quartiers prioritaires de la politique de la ville pour y accueillir des personnes relevant de l’hébergement d’urgence, sans solliciter l’accord des maires concernés, au risque d’accroître la ghettoïsation.

Politique
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