Courrier des lecteurs Politis 953

Politis  • 24 mai 2007 abonné·es

Chasse aux sorcières

Je viens d’apprendre, en lisant les infos sur le Net, qu’un officier des renseignements généraux (RG), Thierry Tintoni, soupçonné d’avoir balancé l’info sur la fiche RG de Bruno Rebelle (proche conseiller de Ségolène Royal et ancien président de Greenpeace France), a été mis en examen pour violation du secret professionnel et a subi une garde à vue. Comme par hasard, cet officier est membre de l’Unsa, mais surtout il est le fondateur de SUD-Intérieur (Solidaires). Cela m’a profondément choqué et m’a inspiré quelques réflexions…

Une fois Sarkozy élu, la chasse aux sorcières semble ouverte. Je crois que tous les syndicalistes, associatifs et politiques attachés à la démocratie vont devoir être vigilants car, dans les administrations ou les entreprises, ceux qui oseront élever la voix à chaque injustice risquent de le regretter. Nous devons impérativement être solidaires de tous les camarades qui seront licenciés, harcelés, poursuivis en raison de leurs convictions ou de leurs actions syndicales ou politiques.

Il est presque comique de voir un gouvernement attaquer un officier des RG sur la violation du secret professionnel, quand ce même gouvernement organise la violation permanente du secret professionnel à travers la loi sur la prévention de la délinquance, et plus globalement à travers toutes les lois sécuritaires. En fait, ils peuvent connaître nos petits secrets, mais nous ne pouvons connaître les leurs. Quelle exemplarité démocratique !

Enfin, ont-ils des preuves de ce qu’ils avancent ? C’est facile d’accuser toujours les gauchos sanguinaires et anarchistes tapis dans l’ombre de nos usines et de notre bureaucratie… Mais, même si c’est vrai, n’a-t-il pas fait son devoir de citoyen, de républicain, de policier en révélant l’injustice ? Ceux qui, en haut de l’échelle, prétendent défendre la République sont souvent ses premiers fossoyeurs. Alors, qu’ils soient moins prompts à punir ceux grâce à qui la République et ses institutions, comme la police, gardent leur honneur !

Nous avons maintenant cinq ans pour construire quelque chose ensemble et pour préserver nos acquis, nos valeurs et ceux qui les défendent.

Claude Béant (Paris)

Commentaires

La victoire de Nicolas Sarkozy, c’est la victoire de Patrick Le Lay, patron de TF 1 (celui qui se vantait de vendre nos temps de cerveaux disponibles à Coca-Cola), sur l’intelligence. C’est aussi le triomphe de la trahison instituée en système : Éric Besson, Jean-Marie Boeckel, Claude Allègre, Bernard Tapie, etc.

Le premier acte commence par une faute de goût : l’homme de Neuilly s’invite avec Johnny Halliday au Fouquet’s , le restaurant le plus chic et le plus huppé de Paris. […]

Selon des sondages d’après-vote, 75~% des plus de 65 ans, soit 9 millions, auraient voté Sarkozy, et 3 millions pour Ségo. Autrement dit, Sarkozy a obtenu les suffrages de 10 millions de moins de 65 ans, contre 13,8 millions pour Ségo. Sarko est donc bien l’élu de «~ceux qui ne se lèvent plus pour aller travailler~», auxquels on peut ajouter, parmi les moins de 65 ans, les rentiers ou fils à papa. On n’y trouve pas ceux qui se battent pour défendre leur emploi, qui agissent au quotidien dans les associations, pour le logement, pour la culture, pour la dignité de l’homme…

Nous venons de changer de République. Ce n’est pas la VIe réclamée par Arnaud Montebourg (et dans une moindre mesure par Bayrou), mais nous sommes passés de la République des «~riches~» à celle des «~plus que riches~». Sarko vient de nous le prouver en partant sur un navire de luxe de son ami Bolloré, dans un pays qui est un paradis fiscal (personne ne s’est ému de cette coïncidence). […] En attente de quelle récompense pour Bolloré~? Dans ces milieux, on n’oublie jamais de renvoyer l’ascenseur~! Bolloré, qui a bâti toute sa fortune sur le saccage de la forêt africaine, veut maintenant intervenir dans le domaine d’un grand média national (pour concurrencer Bouygues~?).

Ainsi, s’il y a bien une promesse du candidat qui aura du mal à être mise en application, c’est celle de s’en prendre à l’arrogance des rémunérations des chefs d’entreprise et de leurs parachutes dorés.

Albert Apelbaum, Gagny (Seine-Saint-Denis)

Médias libres ?

Quand les uns disent qu’ils vont redresser la France et faire de la politique autrement, les autres disent que l’ex-Président a fait entrer brillamment la France dans le troisième millénaire. Les uns sont à l’UMP, les autres sont à l’UMP aussi. Ils disent tout et son contraire, ils ont gouverné et ils gouverneront, et ça ne choque personne… Du moins à la télé et dans la presse à grand tirage. Qui ira leur mettre le nez dans leurs contradictions~? Où est la presse libre (et à quelle heure)~?

Pierre Devesa, Péron (Ain)

Résistons !

Et si c’était une bonne chose~? Bien fait pour lui ! comme on dit à la récré. Si on se mettait en récré ­ en retrait. Si on se mettait à recréer, précisément, face à ce loup aux dents longues […], des collectifs, des associations de bal-fêteurs, des phalanstères de «~rev…istance~», si on lui donnait du filon à retordre, de l’anti-sarkozisme primaire à ce sale cabot de la salle Gaveau, sarkotrafiquant avide de pouvoir, Attila attelé à l’unique ambition de se qualifier à la place du calife, et au-delà si faire se peut, ce narcissocacique ne voyant pas plus loin que le bout de son ego, égoïne innée pour scier les branches sur lesquelles sont tassés les assis, les rassis, qui lui font de l’ombre.

J’en appelle à la rev…istance, à la désobéissance passive et non-violente, ça lui ferait trop plaisir de pouvoir faire ses preuves en fonçant dans le tas, par ses sbires interposés. Groupons-nous, et demain…

Yves Le Car, Aubignan (Vaucluse)

La défaite du PS

J’ai lu avec intérêt l’article de Michel Soudais intitulé « Une défaite qui vient de loin », dans Politis n° 951. L’analyse m’a semblé pertinente. Je voudrais néanmoins ajouter quelque chose : si les dirigeants socialistes et ceux de la gauche de la gauche ont joué une mauvaise partition au cours de la préparation de la présidentielle, il convient aussi de montrer du doigt ces citoyens qui ne votent plus aujourd’hui que sur des slogans racoleurs du type « Travailler plus pour gagner plus ». N’oublions pas non plus ceux qui n’obéissent qu’à un réflexe sécuritaire, conséquence de la lepénisation des esprits, ni ceux qui, sous l’influence de la télévision, n’ont plus tout à fait leur libre arbitre.

En attendant, nous voici une fois de plus avec un gouvernement de droite, dont on voit mal comment il pourra résoudre les grands problèmes du moment puisqu’il n’a pas su le faire jusqu’à présent. Nous ne sommes pas tirés d’affaire. Un sursaut aux législatives est peu probable. On voit mal qu’en si peu de temps il puisse y avoir une prise de conscience chez certains de nos concitoyens.

Jean-Paul Lebaron

La France n’est pas sarkozyste !

Il n’est pas étonnant que le vieillissement de la population française puisse favoriser temporairement le vote conservateur, mais il est surprenant que la gauche ne sache pas parler à nos anciens en leur proposant de remplir un rôle vital, digne et indispensable de passeurs de témoin auprès des jeunes générations : mémoire irremplaçable du travail, seul ou en équipe, mais aussi mémoire des loisirs, des amitiés et des amours, et transmission intime de la sociabilité, de l’honnêteté et de la démocratie.

Il n’est pas étonnant que le peuple de gauche puisse succomber provisoirement au défaitisme dans un pays apparemment méconnaissable, mais il est surprenant que les élites de gauche en viennent à nourrir ce dolorisme défaitiste, qui rappelle trop la sidération collective des années 1930 face à la montée apparemment irrésistible des populismes autoritaires. Ne médisez pas du peuple. Ce serait trop facile. Le peuple n’est pas sarkozyste ! C’est le même peuple qui votait aux régionales, qui soutenait à 80 % les jeunes manifestants contre le CPE, qui est majoritairement pour la régularisation des sans-papiers (oui, vérifiez), qui, surtout, souhaite massivement une révolution juridique du capitalisme financier actuellement tout-puissant car dépourvu de lois. Autant de chantiers rassembleurs que, curieusement, la gauche s’emploie à esquiver soigneusement ou fait semblant d’oublier. Non, la France n’est pas sarkozyste, Sarko n’est pas fort, Sarko n’est fort que de la faiblesse coupable de la gauche.

Il n’est pas étonnant, enfin, que les grands médias aiment à faire et défaire les carrières des outsiders (c’est par la puissance tutélaire des télévisions que Sarkozy et Royal ont conquis « à l’arrache » leurs partis respectifs, et que Bayrou et Besancenot ont obtenu leurs scores), mais le peuple de gauche est assez sage pour prendre du recul face au petit théâtre des oppositions artificielles. Centrisme et gauchisme ne s’excluent réciproquement que dans les calculs et les positionnements à courte vue d’un feuilleton politicien qui n’intéresse plus personne. Face au danger commun pour les libertés et pour la dignité collective, il est possible et il est nécessaire de fédérer, non pas autour de mesquines combinaisons de pouvoir, mais sur des objectifs lisibles et partagés que les simples citoyens puissent s’approprier. Qui ça ? Toutes les forces vives de chaque famille de pensée, depuis Bayrou jusqu’à Besancenot et Bové, sans parler des futurs déçus du sarkozysme, dont l’amertume deviendra vite violente dès lors que leur Président providentiel n’aura su résoudre aucun désordre économique, ni social, ni sociétal. Et cette désillusion va venir vite. Ce jour-là, la gauche sera-t-elle prête ? Non, si son fonctionnement, ses moeurs, son mode de sélection interne des élites figent encore et toujours toute évolution culturelle. Oui, si elle sait s’inspirer de l’esprit du Conseil national de la Résistance de 1943 et de 1944.

Luc Douillard, professeur et président de l’association Nantes est une fête

Une droite décomplexée, une gauche désunie

La droite décomplexée a gagné grâce à sa radicalité et à son union derrière un leader incontesté. Cartes sur table, elle a clairement affirmé ses positions en faveur de la réussite personnelle : honneur aux vainqueurs, gloire aux dominants, préférence proclamée pour les possédants, exclusion des faibles, foin de toute pudeur. Elle a osé avancer sans masque, sûre d’elle-même, triomphante, forte d’un discours univoque parfaitement assumé.

La pseudo-gauche a perdu sans appel à cause de sa désunion et de son manque d’affirmation. Elle a vainement cherché la quadrature d’un cercle vicié par l’indétermination. Elle a tenté un grand écart pour donner des gages à ses extrêmes en développant un discours équivoque, marqué par le désir sournois d’un rapprochement avec un centre mou et l’imprécision de son identité. Avançant masquée, elle n’est pas parvenue à se départir de sa mauvaise foi.

Opposition absolue, non négociable, à cette droite arrogante.

Opposition résolue à cette gauche d’opérette.

Jean Klepal (courrier électronique)

Bernard Kouchner

Nous apprenons la nomination de Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères. Je reste un naïf, mais j’ai le souvenir d’avoir lu, dans les publications de l’association Survie, que des fonds avaient été versés par Areva à une association dirigée par M. Kouchner. Ce qui lui a permis de financer l’aide humanitaire envers les Nigériens grâce aux bénéfices de notre cher nucléaire. Mais il faut savoir, tout de même, que l’exploitation de l’uranium en Afrique se fait au détriment des populations : diverses associations défendent les personnes victimes de cancers et autres maladies dues à cette exploitation. […] Kouchner serait-il devenu ami avec des gens comme les marchands d’armes et les exploiteurs des ressources africaines […] ? Sachez que l’Observatoire du 6 mai ne va pas se limiter aux « élites » choisies par Politis ! J’observe aussi, et j’espère que je ne serai pas le seul !

Pascal Sauvage, Le Poiré-sur-Vie

Courrier des lecteurs
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