Banane violente

Des produits guatémaltèques obtiennent la certification « développement durable » malgré la répression qui frappe les ouvriers des plantations.

Thierry Brun  • 10 avril 2008 abonné·es

La multinationale américaine Chiquita et l’ONG Rainforest Alliance ­récemment médiatisée dans les publicités pour un «café qui respecte la nature et améliore les conditions de vie des fermiers» ­ ont en commun de mener des campagnes en faveur du développement durable et du «traitement équitable des travailleurs [^2]» . La banane Chiquita vendue en Europe est en effet «certifiée» par Rainforest Alliance, une ONG leader mondial «en certification agricole, sylvicole et tourisme durable». Les ventes de café, bananes et chocolat qu’elle a ainsi garanties ont dépassé le milliard de dollars en 2006.

La firme Chiquita est cependant loin d’appliquer les principes définis par Rainforest, en particulier «le traitement équitable des travailleurs» au Guatemala. En témoigne un appel édifiant lancé par Peuples solidaires, collectif d’associations et de syndicats des pays européens, et l’European Banana Action Network. «Dans un contexte d’impunité quasi totale» , Frutera International, producteur de bananes pour Chiquita, «a continué de réprimer les travailleurs de sa plantation, ce qui a abouti, le 2 mars dernier, à un nouveau développement tragique: l’assassinat d’un syndicaliste». Que se passe-t-il dans la plantation? Les ouvriers «souhaitent s’organiser pour pouvoir négocier un accord collectif avec leur employeur. Ils revendiquent l’application du salaire minimum légal et veulent aussi en finir avec la succession des contrats précaires» , explique le collectif Peuples solidaires.

Mais le Guatemala est «de plus en plus attractif pour les grandes sociétés fruitières. Pour ne pas avoir à assumer la responsabilité des conditions de travail dans leurs plantations, ces multinationales préfèrent en effet depuis plusieurs années se fournir auprès de sociétés locales guatémaltèques dont les pratiques antisyndicales répressives et violentes sont pourtant bien connues» . Le nouveau président du Guatemala, àlvaro Colom, «s’est récemment engagé à faire tout ce qui est possible pour éradiquer la violence contre les syndicalistes et en finir avec l’impunité au Guatemala. Le moment est donc venu pour lui de démontrer que cette promesse ne restera pas lettre morte» , ajoute le collectif.

Chiquita a pourtant signé, en 2001, un accord sur la liberté d’association, les normes minimales de travail et l’emploi dans le secteur bananier en Amérique latine, sous l’égide de l’Union des travailleurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’hôtellerie du monde entier(<www.iuf.org>). Il est donc temps de respecter les accords et les certifications mises en évidence sur les bananes. L’ONG Rainforest s’exprimera-t-elle sur un sujet aussi grave que l’assassinat d’un syndicaliste, et s’engagera-t-elle à prendre des mesures pour soutenir les organisations syndicales ?

[^2]: Le traitement équitable des travailleurs est l’un des nombreux «avantages sociaux» présentés par Rainforest Alliance et relevés dans une étude de la Plate-forme pour le commerce équitable sur les systèmes de garantie, Mémento 2006, étude comparée de différents systèmes de garantie-qualité, Blandine Picot et Eugénie Malandain, PFCE.

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