Délit d’offense ou lèse-majesté ?

Olivier Doubre  • 2 avril 2009 abonné·es

Nicolas Sarkozy n’aime pas les critiques, même avec ses propres mots. Et il n’hésite pas à recourir aux tribunaux pour tenter de les faire taire. On se souvient ainsi de la poupée vaudou en mousse, vendue avec une douzaine d’épingles à planter dans le corps du Président, décoré de ses slogans de campagne et de ses « déclarations » les plus tapageuses, du « travailler plus pour gagner plus » au fameux « casse-toi pauv’ con » , en passant par « racaille » ou « paquet fiscal » . Le locataire de l’Élysée avait immédiatement attaqué en justice les éditions K&B qui la commercialisent…
et perdu son procès ! Plus récemment, pour avoir brandi un carton « Casse-toi pauv’con » près du cortège présidentiel, Hervé Eon, qui risquait jusqu’à 45 000 euros d’amende, a finalement été condamné à payer seulement 30 euros pour « offense » au chef de l’État. Cette affaire, qui n’est pas terminée puisque le condamné a décidé d’aller jusqu’en Cour de cassation, révèle ici la réactivation par Nicolas Sarkozy du délit d’offense au chef de l’État, tombé en désuétude depuis près de quarante ans.

Directement hérité du crime de « lèse-majesté » envers les rois de France et les papes de l’Inquisition, réprimant depuis le XIIe siècle l’hérésie et toute opinion déviante, le délit d’« offense » au chef de l’État réapparaît sous la IIIe République dans la loi sur la presse du 29 juillet 1881, après une longue bataille des philosophes des Lumières, qui avait pourtant abouti à son abrogation avec la Révolution de 1830. Pourtant, sous la IIIe République, seuls neuf procès eurent lieu en cinquante-neuf ans. Le général de Gaulle, plutôt dénué de sens de l’humour à son endroit, le réintroduisit dans la Ve République et l’utilisa… plus de 500 fois ! Si Pompidou en usa à son tour quelques rares fois, ni Giscard ni Mitterrand ni Chirac n’en firent jamais usage. Nicolas Sarkozy se fait donc l’héritier des tendances les plus monarchiques de la Ve République, mais avec son style bien à lui, entre vulgarité (voire grossièreté) et bling-bling ostentatoire. Un style dont les Français semblent véritablement se lasser.

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