Entre ici, Boldiszárkozy

Sébastien Fontenelle  • 9 avril 2009 abonné·es

Un truc vraiment bien, avec Max Gallo, historien old school : jamais il ne déçoit. Interviewé ce dimanche (4 avril) par le Parisien, il déclare, sans rire, que, oui, « bien sûr » , il pense que «  la France a fait un pas aussi décisif et surprenant en élisant Sarkozy que les États-Unis avec Obama » – non seulement parce que l’intéressé « appartient aux républicains d’autorité dans la tradition de Gambetta, Clemenceau, Mandel, Mendès France et de Gaulle » (et vous pouvez toucher ma bosse, Monseigneur), mais parce qu’aussi : « En élisant Sarkozy, le peuple français a fait la preuve qu’il n’est pas xénophobe. » (Le mec, je rappelle, dit tout ça très sérieusement, et sans que les [trois] journalistes qui recueillent ses divag… Ses propos ne le plantent là en gueulant qu’ils n’ont aucune intention de se laisser gaver de salades niçoises [^2].

Comme tout le monde : j’ai lu 1984 quand j’étais lycéen, puis je l’ai relu quelques années plus tard, non par obligation, cette fois-ci, mais pour essayer d’(y) entrevoir ce qui nous attendait, sous la férule des libéraux sécuritaires qui depuis tant de temps prétendent régner sur nos vies.

Bon, nous y sommes : jamais, je le crains, le pouvoir n’a été si atrocement orwellien que sous la mandature de Sarkozy et de ses clercs de compagnie, où l’art de nous vendre pour des lanternes des vessies (moisies) monte vers des hauteurs où le démocrate moyen a de la difficulté à respirer librement.
Le cas de Max Gallo est, certes, particulier : il fait de longue date une étrange fixette sur les origines du chef de l’État français – et l’a, par exemple, portraituré dans le Point, en avril 2007, juste avant la présidentielle, en « fils de Hongrois et descendant de juifs de Salonique » (pour mieux induire que ceux qui n’allaient pas voter pour lui seraient un peu antisémites).

Mais là, tout de même ? Quand il barrit que les Français ont fait la preuve qu’ils ne sont pas xénophobes en élisant Sarkozy ? Max Gallo fait ce que font les hideux Rouges russes dans Tintin au pays des Soviets  : il substitue à la réalité une réalité de carton-pâte. Il nous promène, parce que, remember : dans la vraie vie, Sarkozy, pour se gagner le votant frontiste, a fait campagne en lui caressant les phobies dans le sens du poil – agadez, mâme Chabot, comment que j’suis décomplexé – à grands coups de stigmatisation des musulmans tueurs d’ovins. Un expert, et non le moindre, puisqu’il s’agissait de l’excellent(issime) Bernard Kouchner, l’avait d’ailleurs diagnostiqué : « Nicolas Sarkozy n’éprouve aucune honte à pêcher dans les eaux de l’extrême droite. »
Max Gallo veut récrire cette affligeante histoire : c’est une occupation comme une autre. Mais mon petit doigt me dit que si le fils de Hongrois avait porté un prénom plus typique, doublé d’un accent mitteleuropa , les Français lui auraient moins facilement donné leurs voix. Boldizsár Sarkozy président, je sais pas pourquoi : je le sens moyen.

s.

[^2]: Je rappelle pour les moins de 40 ans que Max « Negresco » Gallo est natif de la baie des Ange

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes