Faux inventeurs et vrais pilleurs

Le cas de la stevia illustre bien la marchandisation du vivant au profit de multinationales. Une stratégie développée au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

Thierry Brun  et  Antoine Vezin  • 1 octobre 2009 abonné·es

La conquête commerciale d’une plante comme la stevia passe par les brevets, autrement nommés droits de propriété intellectuelle. C’est ainsi que les ressources naturelles deviennent progressivement la propriété privée des firmes multinationales du Nord et que les géants du soda arrivent en terrain conquis dans un pays comme la France. Depuis les années 1980, les États-Unis, sous la pression de ces entreprises qui cherchent à se garantir des rentes, se sont empressés d’accorder des brevets sur toute forme de vie et de faire de la propriété intellectuelle le principal facteur de leur croissance économique.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est au cœur de ce système d’appropriation du vivant à des fins marchandes. Au moment de sa naissance en 1994, l’OMC a été d’emblée le lieu de création des fameux accords sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce (Adpic en français, TRIPs en anglais), reprenant ainsi la législation américaine sur les brevets. Ces accords voulus par les puissances occidentales ont eu pour conséquence de limiter les transferts de technologies et de connaissances, notamment vers les pays en développement, et d’instaurer une sorte de monopole colonial dans une institution réputée pour sa marche forcenée vers la libéralisation de tous les secteurs de l’économie. «  Les brevets sur les produits et les procédés provenant des ressources biologiques et des organismes vivants soulèvent la question de savoir qui est le pilleur et qui est l’inventeur puisque, très souvent, ce sont le savoir autochtone et les innovations traditionnelles qui font l’objet de ces brevets » , relève l’écologiste indienne Vandana Shiva [^2], qui bataille depuis des décennies contre ces mécanismes de contrôle des marchés.

[^2]: Cf. La vie n’est pas une marchandise, les dérives des droits de propriété intellectuelle, éd. C.-L. Mayer, 2004.

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