Trop de parcs, trop peu de pouvoirs

Les attentes contradictoires des personnes chargées de gérer les parcs régionaux ainsi que l’étendue de ces derniers sur un grand nombre de communes compliquent les prises de décisions.

Claude-Marie Vadrot  • 8 octobre 2009 abonné·es

Côtoyer pendant quelques jours les chargés de mission des différents parcs, leurs directeurs et leurs présidents – qui sont des élus choisis par la Région – permet certaines observations. D’un côté, des hommes et des femmes de plus en plus jeunes, de toute évidence passionnés par leur travail – beaucoup disent « notre mission » , qu’il s’agisse de préservation de la nature, d’énergies renouvelables, d’économie non déloca­lisable, de patrimoine bâti, de liens sociaux, d’agriculture, d’artisanat, de culture ou de paysages. De l’autre, des élus, présidents de parcs, qui cherchent d’une façon plus ou moins claire une légitimité politique passant, par exemple, par l’accès facilité aux subventions qu’espèrent les communes. Entre les deux, des directeurs salariés qui doivent composer entre la passion des uns, les intérêts des autres et les exigences de communes qui ont tendance à considérer que l’existence d’un parc régional doit leur « rapporter ». Et, jouant des uns contre les autres, des habitants qui ne savent pas toujours à quoi servent leurs parcs et qui ne sont souvent associés à leur gestion que par l’intermédiaire d’associations aux attentes contradictoires.

Chaque parc fonctionne sur la base d’une charte qui doit être renouvelée, et donc agréée, tous les douze ans par le ministère de l’Écologie, sous peine de perdre son agrément et donc de disparaître. Mais, depuis 1967, un seul parc, celui du marais poitevin, s’est vu retirer cet agrément à la fin des années 1990, alors que les résultats des parcs sont très contrastés. Tout simplement parce qu’ in fine , ce n’est jamais le parc qui prend les décisions, mais chaque commune, au gré de ses intérêts et non pas de l’intérêt général.

Un exemple illustre ce fait : le parc de Loire-Anjou-Touraine a mis au point un schéma éolien déterminant 473 zones (soit 2 % de son territoire) dans lesquelles la mise en place d’éoliennes ne pose pas de problème. Mais son président, Jean-Michel Marchand, explique qu’il ne dispose d’aucun pouvoir pour contraindre les communes concernées d’accepter les parcs éoliens. Ce qui relativise l’affirmation de la Fédération des parcs naturels régionaux selon laquelle elle est favorable – qu’il s’agisse de solaire, d’éolien ou de filière bois – à l’exploitation des énergies renouvelables sur le territoire des parcs.

Car, s’ils ont le pouvoir de mener des études et de faciliter l’obtention de subventions, les parcs ne disposent pas du droit de lancer des opérations sans l’accord des communes. Pas plus qu’ils n’ont le pouvoir d’imposer des protections de la biodiversité, le respect de cours d’eau, des changements de type d’agriculture ou de mode d’exploitation forestière, des interdictions ou des limitations de chasse, des préservations du paysage contre l’enlaidissement par l’urbanisme commercial ou les publicités. Les parcs ne peuvent que suggérer. Tout fonctionne par consensus, ce qui implique souvent des accords sur le plus petit dénominateur commun. Plus un parc est grand, plus il compte de communes aux sensibilités économiques, sociales et politiques différentes, plus les équipes qui le composent s’épuisent à produire ce consensus.

Difficile de bâtir une gestion cohérente dans des parcs comme celui des volcans d’Auvergne (395 000 hectares pour 153 communes), de Lorraine (188 communes réparties sur 219 000 hectares divisés en deux entités), du Ballon des Vosges (208 communes dispersées sur 300 000 hectares). C’est éventuellement plus facile dans le parc de Brière (18 communes s’étendant sur 49 000 hectares), dans celui de la Chartreuse (60 communes sur 76 000 hectares), celui du Queyras (avec 11 communes sur 60 000 hectares) ou celui de la Haute Vallée de Chevreuse (21 communes sur 24 000 hectares).

Les « petits » parcs offrent au minimum une cohérence écologique qui facilite le travail des équipes en place. Ainsi, le parc de Chevreuse, conçu à l’origine comme une sorte de « syndicat » de propriétaires souhaitant rester entre eux, appréhende l’extension probable et prochaine à 60 communes comme un risque de remise en cause de ses réussites depuis sa création, en 1986. Et, malgré la pression des chasseurs sur le parc de Brière, au risque de compromettre son équilibre écologique de marais, de bois et de cultures vivrières, son directeur le défend avec opiniâtreté. Alors qu’il doit également faire face à l’envahissement des eaux par les écrevisses américaines introduites par erreur.
À l’inverse, quel rôle peut jouer un parc du Gâtinais en partie couvert par les cultures de maïs qui assèchent la nappe phréatique et les quelques rivières ?

Il y a trop de parcs et, parmi eux, trop nombreux sont ceux qui sont d’abord des projets politiques mal ficelés, comme celui de Camargue ou du Narbonnais, qui ne peuvent que nuire à l’idée que s’en font les visiteurs ou les habitants. Les parcs ne doivent pas devenir des réserves de ruraux pour un tourisme vert souvent destructeur par ses infrastructures.
Les parcs naturels régionaux ont vieilli et se cherchent un nouveau souffle, une nouvelle utopie qui ne serait pas seulement axée sur l’illusion économique. En attendant une improbable réduction de leur nombre, certains paraissent actuellement mettre leurs espoirs dans l’exploitation des énergies renouvelables et dans le renouvellement du lien social, grâce à la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) qui misent à la fois sur l’économie, l’emploi et le vivre-ensemble.

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