Le flop de la taxe carbone

Le Conseil constitutionnel a annulé la taxe carbone. Une nouvelle mouture est attendue cette semaine.

Patrick Piro  • 7 janvier 2010 abonné·es
Le flop de la taxe carbone

La taxe carbone devait être la grande nouveauté du budget 2010. Camouflet pour Nicolas Sarkozy et son gouvernement : elle a été invalidée la semaine dernière par le Conseil constitutionnel, qui lui reproche de créer des inégalités en raison d’une pléthore de dérogations et d’exonérations partielles. La taxe ne s’appliquait pas à la production d’électricité ; le millier de plus gros pollueurs industriels en étaient exonérés au prétexte qu’ils sont soumis au respect de quotas d’émissions organisé au niveau européen (ETS) ; le transport aérien y échappait, et plusieurs secteurs fortement émetteurs non soumis à l’ETS bénéficiaient de remises parfois très importantes : 35 % pour les transports, 75 % pour la pêche et l’agriculture, etc. Par ailleurs, seulement 50 % des émissions de CO2 (et aucun autre gaz à effet de serre) étaient concernés par la taxe.

Les écologistes, dont les Verts, avaient appuyé la création de cette fiscalité écologique, levier puissant, tout en déplorant sa portée minimaliste : le prélèvement, en particulier, s’élevait pour 2010 à un montant indolore de 17 euros par tonne de CO2 émise. Ils saluent pourtant aujourd’hui la décision du Conseil [^2], bien qu’elle satisfasse a priori les lobbies qui ont œuvré à l’automne dernier pour vider la taxe de sa substance, car ils y voient l’occasion de l’améliorer : le gouvernement a annoncé qu’il proposerait rapidement une mouture corrigée afin de l’inclure dans le collectif budgétaire du 20 janvier [^3].

Pourtant, il ne faut guère se faire ­d’illusions. Le débat politique avait déjà été bâclé à l’automne : pressé par le temps et les lobbies, le gouvernement se contentera du strict minimum constitutionnel afin d’éviter un nouvel échec, qui n’est pas à exclure. Selon les premières indications, l’électricité échapperait toujours à la taxe, en raison de la prédominance du nucléaire, « qui ne produit pas de CO2 [^4] » . Et l’on ne touchera pas ou peu aux secteurs soumis à la concurrence (non affectée par la taxe), puisque le Conseil constitutionnel reconnaît qu’il est légitime de corriger les distorsions. De nombreuses « niches fiscales » devraient donc être préservées, illustrant l’incapacité du gouvernement de mener la grande réforme fiscale attendue depuis des lustres. Au final, ce sont les grands pollueurs soumis à l’ETS qui pourraient trinquer, du fait que les quotas d’émission leur sont attribués gratuitement jusqu’en 2013.

Quant à la création de véritables programmes pour aider les plus démunis à isoler leur habitation ou à changer de système de chauffage, grâce au montant de la taxe, cela restera une utopie des écologistes et de la gauche.

[^2]: Seule France Nature environnement se demande si ce n’est pas une mauvaise nouvelle.

[^3]: La taxe carbone devait rapporter 1,5 milliard d’euros à l’État.

[^4]: Sur ce sujet, voir notamment Politis n° 1067.

Écologie
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