Télescopages à l’écran

Jean-Claude Renard  • 7 janvier 2010 abonné·es

Samedi 12 décembre. Ça tombe dru sur l’écran. Façon foire d’empoigne. Hardi petit ! Il paraît que c’est la sortie de la semaine : Avatar. Un monde où tout est accidentel et illusion. Et « Mon Œil » d’enchaîner sur le clip de l’UMP, « Tous ceux qui veulent changer le monde. » Franche rigolade. « À notre humble avis, les images ne collent pas » , dit le commentaire (Michel Mompontet, en voix off). Encore 80 000 emplois de perdus ce trimestre. Dans Avatar, on a du mal à séparer le vrai du faux. Dans l’actualité, des agents de la brigade anticriminalité se sont fait braqueurs ; un gardien marque un but au lieu de les encaisser ; Besson et son identité nationale, fier vêtu du maillot de l’équipe de France de foot qu’on lui a offert après le match France-Irlande (le match de la triche !). Et Mompontet de citer Éric Cantona : « Être français, est-ce que c’est devoir […] chanter “la Marseillaise”, lire la lettre de Guy Môquet ? Ça, c’est être con ! Être français, c’est d’abord être révolutionnaire ! » Ah ! Ces mondes virtuels où le Président décore Dany Boon, où le même choisit d’être « le directeur des ressources humaines du Parti socialiste » … Et Obama, virtuel ou réel ? « Celui du Nobel de la Paix ou celui qui envoie de nouvelles troupes en Afghanistan ? Tout serait donc mélangé ? Y aurait plus que les chiffres à dire la vérité ? Ou pas ?  »

Même veine jubilatoire le 19 décembre. « Si je ne l’avais pas vu, je ne l’aurais pas cru ! » Envolés, la crise et le chômage. Plus d’inculpation de Chirac ! « Notre Johnny national est patraque. » À suivre par un Sarkozy ami de la famille, par la résurrection de l’idole, la neige qui tombe et occupe le petit écran, la météo se gavant de reportages ineptes. Reste l’info chopée au compte-gouttes : les paysans font boule de paille, les postiers tirent le store, Greenpeace s’invite à Copenhague tandis que « le sommet préfère la banque à la banquise » . En l’honneur de Noël ou de saint Nicolas ? À vrai dire, « c’est surtout, le réchauffement du porte-monnaie qui nous intéresserait, qu’on en ait ou pas ! » , ponctue le chroniqueur en forme de clin d’œil, mi-désabusé, mi-perplexe, ironique devant le montage, le tableau ainsi redressé, sans doute amusé comme un vilain canard qui aurait rectifié d’autor son Rubik’s Cube.

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