Lectures choisies

Adrienne Monnier
sert de figure de proue
à la Fête de la librairie
le 24 avril. L’occasion
de rappeler
que l’indépendance
est un défi permanent.

Ingrid Merckx  • 22 avril 2010 abonné·es

«Doncques, pour charmer des loisirs relatifs, en lieux et places du Verlaine et de ­l’Ibsen qui vous ont dû parvenir postalement et recommandés, je vous serais reconnaissant de m’envoyer ce livre licencieux sur les garnisons d’Alsace Lorraine, vous savez ? » ­Lettre de Louis Aragon à Adrienne Monnier, 1918. « J’ai Armance avec moi. Je vous souris de côté et vous rappelle combien vous m’avez engagé à lire Stendhal… » Lettre de René Crevel à Adrienne Monnier, 26 juin 1924. « L’Ulysse est considéré en Amérique comme un ouvrage pornographique, par conséquent hors la loi, ne pouvant être transporté par la poste, etc. Par conséquent, ni Joyce ni vous n’avez aucun titre à invoquer la protection de la loi. C’est comme pour le Cognac… » Lettre de Paul Claudel à Adrienne Monnier, 1931.

Ces extraits figurent dans un ouvrage qui sera distribué le 24 avril pour la douzième Fête de la librairie par les libraires indépendants. L’occasion de (re)découvrir celle qui ouvrit la ­célèbre Maison des livres au 7, rue de l’Odéon à Paris en 1915, également bibliothèque de prêt et foyer de l’avant-garde littéraire où se croisaient André Breton, Guillaume Apollinaire, Paul Valéry, René Char, André Gide… Écrivaine et animatrice de revues littéraires, Adrienne Monnier fut aussi la première éditrice de la traduction française d’ Ulysse de Joyce.

« On ne lui rend pas hommage par nostalgie mais pour rappeler les invariants du métier » , souligne Marie-Rose Guarniéri, libraire aux Abbesses et fondatrice de l’association Verbes, qui organise la manifestation. Un métier menacé notamment par la fragilité économique et des pressions liées au prix des loyers, au succès de la vente en ligne, à la dématérialisation du livre qui devient téléchargeable, et à la concentration des attentions sur les meilleures ventes. « Tout peut être appelé “livre”, les gens sont ­désorientés, regrette Marie-Rose Guarniéri. Un libraire indépendant, c’est d’abord une personne qui défend des auteurs, soutien la création et peut expliquer ce qui relève de la littérature. »
Cette fête fédère 450 librairies indépendantes qui rivalisent d’inventivité pour équilibrer choix intellectuels (maintenir un fond, dénicher des auteurs méconnus) et impératifs économiques : la France compte environ 25 000 points de vente, dont 1 000 couvrent 60 à 75 % du chiffre d’affaires des éditeurs, et un libraire très qualifié avec seize ans d’ancienneté gagne environ 1,6 fois le Smic d’après le Syndicat de la librairie française. Certaines se regroupent, comme les librairies de l’Est parisien qui proposent un site Internet commun et un service de livraison à vélo. Quand il y a urgence…

Culture
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