Courrier des lecteurs 1104

Politis  • 27 mai 2010 abonné·es

Allègre attaque Politis … pour diffamation ! Cela prêterait à rire si le même Claude Allègre ne militait pas pour l’enfouissement du carbone, censé résoudre la crise climatique. Profitons de ce procès pour nous réapproprier ensemble l’avenir de notre climat.

Christian Davin


Politis* est un ardent pourfendeur** de la dérive du Parti socialiste français. Souvent à juste titre. Instance d’opposition, et alors qu’il disposait de toute latitude d’expression, notre parti, sous la houlette du synthétique François Hollande, n’a pas amorcé en dix ans la moindre ébauche d’un projet global alternatif.

Mais dans ce désert idéologique passé, si mortifère pour ceux qui subissent l’injustice sans le recours possible à l’alternative d’une gauche distributrice, il serait injuste de ne pas noter l’inflexion qui s’opère. Au sein du PS, il existe un courant (Un Monde d’avance, Benoît Hamon) dont les propositions n’auraient pas à rougir (!) de figurer dans vos colonnes. D’ailleurs vous les publiez, parfois ; Gérard Filoche ou Liêm Hoang Ngoc, tous deux socialistes, dont l’engagement et la volonté de changement sont incontestables, ont déjà pu s’exprimer dans vos tribunes. C’est logique : les mesures qu’ils préconisent tant en matière de droit du travail que de renouveau économique sont une véritable alternative à la loi du marché.
Combien sommes-nous au sein du PS à les approuver, ces idées de transformation radicale ? Que donnerait aujourd’hui un congrès en termes de répartition entre les courants libéraux ou redistributifs ?
On peut donc être socialiste et être de gauche. Or, cette gauche du PS est victime de l’ostracisme chronique de la presse convenue, au même titre que les autres partis ou organisations de la gauche de changement. Nous devons donc être solidaires. Rappelons, pour l’exemple, que Denis Olivennes, dans un éditorial du Nouvel Observateur , a demandé l’exclusion de Benoît Hamon de la direction du PS.

Un Monde d’avance a validé la Convention récente du Parti, car l’ensemble de ses propositions y ont été retenues. Ce texte vaut ce qu’il vaut, mais il marque indéniablement une orientation. Pour preuve de ce virage il suffit, là encore, de constater les réactions haineuses des Échos sous la plume d’Éric Le Boucher, ou se voulant ironiques du Monde , sous celle de Pierre-Antoine Delhommais.

Politis ne peut donc considérer le PS comme un ensemble homogène qui serait sous tendance sociale-libérale. D’autant que la presse majoritaire a désormais fait le choix d’un combat à orchestrer entre Dominique Strauss-Kahn et Nicolas Sarkozy. Elle se prend à rêver d’audiences mirobolantes pour un choc de soi-disant titans, qui sont pourtant d’accord sur l’austérité publique comme sur la défiscalisation. Et nous sommes nombreux, au sein du Parti socialiste, à être scandalisés par cette campagne de communication préalable, dans le but de tester l’électorat, menée par le directeur du FMI. Nombreux à considérer que ce projet de candidature est une véritable insulte à l’espérance que certains peuvent encore avoir. Nombreux à savoir qu’une gauche unie n’acceptera jamais comme leader le pourfendeur des pays débiteurs du FMI, sommés de faire des coupes drastiques dans leurs services publics.

Certains peuvent considérer à gauche que le PS est atteint d’un réformisme incurable. Peut-être que non. Un monde s’effondre et, sous l’emprise des faits et des situations qui se dramatisent, qui peut dire d’ici à deux ans quelle sera la véritable nature d’une gauche de gouvernement ? Roosevelt n’a-t-il pas établi, en 1932, une tranche d’imposition à 90 % ?

Le candidat du Parti socialiste sera désigné, lors de primaires, par les sympathisants de gauche. Une fois encore, cette élection sera pilotée par les médias dont on connaît désormais les choix. Nos militants risquent fort de se voir déposséder d’un long travail de terrain. Et si ce candidat potentiel était désigné grâce à la pression de ces médias, nous en serions tout aussi contrits que nos camarades d’autres mouvements qui souhaitent un gouvernement de gauches unies.
Politis doit donc prendre toute sa part pour aider les partisans d’un autre PS, « décomplexé sur sa gauche » mais peu médiatique.

Jean François Dasso, Auzielle (31)


Voici l’extrait d’une œuvre de Rousseau qui, me semble-t-il, illustre bien l’essence ce qu’est la « construction » européenne pour les peuples en tant qu’elle est asservie aux « marchés » (même si Rousseau n’en parle pas directement, évidemment) et de ce qu’est devenu l’exercice du pouvoir politique. Rousseau est pour nous le fondateur – avant la lettre, bien sûr – de la Révolution française et donc de notre liberté politique.
« La puissance civile s’exerce de deux manières : l’une, légitime par l’autorité ; l’autre, abusive par les richesses. Partout où les richesses dominent, la puissance et l’autorité sont ordinairement séparées, parce que les moyens d’acquérir la richesse et les moyens de parvenir à l’autorité, n’étant pas les mêmes sont rarement employés, par les mêmes gens. Alors la puissance apparente est dans les mains des magistrats [N. B. : au sens de la philosophie politique classique, les gouvernants] e *t la puissance réelle est dans celle des riches. Dans un tel gouvernement, tout marche au gré des passions des hommes, rien ne tend au but de l’institution.

Il arrive que l’objet de la convoitise se partage : les uns aspirent à l’autorité pour en vendre l’usage aux riches et s’enrichir eux-mêmes par ce moyen ; les autres et le plus grand nombre vont directement aux richesses avec lesquelles ils sont sûrs d’avoir un jour la puissance en achetant soit l’autorité, soit ceux qui en sont les dépositaires.
Supposez que dans un État ainsi constitué les honneurs et l’autorité d’un côté soient héréditaires, et que de l’autre les moyens d’acquérir la richesse ne soient qu’à la portée d’un petit nombre et dépendent du crédit, de la faveur, des amis. Il est impossible alors que tandis que quelques aventuriers iront à la fortune et de là par degrés aux emplois, un découragement universel ne gagne le gros de la nation et ne la jette pas dans la langueur. »*
Ce texte clôt le Projet de constitution pour la Corse.

Mireille Thisse-André


Une journée de grève générale européenne ? Les banques qui spéculent pour que les États leur remplissent les poches avec l’argent des impôts sont organisées à l’échelle internationale : plus les États leur assurent des garanties, plus elles spéculent pour s’enrichir davantage. Le patronat, qui fait pression pour démanteler les systèmes de protection sociale des salaires, des emplois et des retraites, est aussi organisé à l’échelle internationale. Les gouvernements qui se rencontrent dans des conférences internationales se contentent de vouloir « rassurer les marchés » par des politiques de rigueur : c’est-à-dire garantir aux spéculateurs qu’ils pourront continuer à s’en mettre plein les poches. Les banques françaises et allemandes ont obtenu la garantie des gouvernements européens que leurs créances sur l’État grec leur apporteraient beaucoup de profits, par « le plan européen de soutien à la Grèce ».

N’est-il donc pas temps que les citoyens européens s’organisent eux aussi à l’échelle internationale, au lieu de se battre chacun dans son pays ? Les organisations syndicales des pays de l’UE n’ont-elles pas le devoir de lancer un appel et d’organiser une journée de grève générale et de manifestations dans toute l’Union européenne contre les plans de rigueur et pour des lois contre la spéculation financière : interdiction des outils les plus scandaleux et taxe européenne sur les transactions financières ? Cela ne pourrait-il pas être un objectif de la journée d’action intersyndicale du 27 mai ? […]

Pierre Duroselle, Marsilly (17)

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