Villepin rassemble ses troupes

L’œil rivé sur 2012, l’ancien Premier ministre lançait samedi son parti politique. Dans la foule, beaucoup de déçus du sarkozysme ainsi que quelques curieux.

Blandine Le Cain  • 24 juin 2010 abonné·es

On n’en attendait pas tant. Ce sont pourtant six mille fans de Dominique de Villepin qui sont venus assister au lancement de son mouvement République solidaire, le 19 juin, dans une halle habituellement réservée à des défilés de mode, à Paris. Un public venu de la région parisienne ou de province, assez divers, même si les membres du Club Villepin y étaient les plus nombreux. « C’est un vrai gaulliste, il a des principes » , déclare un militant qui cite l’atout majeur de l’homme politique auprès de son public. Pour lui comme pour beaucoup, il est « l’héritier de de Gaulle ». C’est « l’homme de demain : un gaulliste qui veut rester libre et indépendant », acquiesce un militant de 52 ans qui travaille dans la finance. Ancien centriste, il considère Villepin comme « l’électrochoc de demain » , et même « le Paris-Match de la droite » . Selon lui, son indépendance par rapport au pouvoir actuel en fait un « antimonarque ».

Cette indépendance, ils y tiennent. Villepinistes, certes, mais néanmoins adhérents de l’UMP, beaucoup ­envisagent ce nouveau mouvement comme une ouverture de la droite. Déçus par la politique de Nicolas Sarkozy, ils cherchent une alternative. « L’UMP n’appartient à personne », affirme un cadre local de l’UMP en Ille-et-Vilaine. Trop de réformes, trop vite, sans cohérence et sans concertation, les militants présents ­dé­noncent le rythme de la politique du gouvernement. « Il n’y a pas de cap » , déplore un avocat de 28 ans, qui a quitté l’UMP un an après l’élection de 2007. Il a pour l’occasion troqué la robe d’audience contre un tee-shirt estampillé « Villepin ». « Grand déçu de Nicolas Sarkozy » , il voit dans ce concurrent la stature et le charisme qui manquent, selon lui, au chef de l’État.
Opposés à Sarkozy, les jeunes de banlieue le sont aussi, et plusieurs sont venus afficher leur soutien au dissident de droite. Derrière une banderole affirmant « La banlieue avec de Villepin » , des jeunes de Corbeil-Essonnes scandent : « Villepin président ! » Sur leurs tee-shirts, la tête de l’ancien Premier ministre sur fond de drapeau français. Dans leur dos, une référence à son plus haut fait d’armes politiques : «  Non à la guerre en Irak, oui à Villepin. » Beaucoup, comme eux, disent ne s’être jamais engagés dans un parti auparavant. « Je suis venu pour voir si mes idées coïncident avec celles de Villepin » , explique un étudiant de 24 ans qui prépare un master de gestion de patrimoine. Plutôt intéressé par l’économie, il n’a pas d’accointances particulières avec le héros du jour, mais voudrait peut-être s’engager en politique et saisir ainsi l’occasion. De plus, un concurrent à Sarkozy instaurerait un débat à droite…

Ces atouts, l’ancien Premier ministre les connaît bien. Dans son discours, il critique ouvertement Sarkozy, dénonçant le « nouvel Ancien Régime » qu’il représente, refusant d’accepter «  que le Kärcher tienne lieu de politique » . Évoque aussi son opposition à la guerre en Irak, ainsi que les mémoires qu’il faut « réconcilier ». Et cela plaît : « Sans hypocrisie, il affronte l’histoire » , se félicite un militant d’origine immigrée, directeur de projets à l’export, qui dit détester les politiciens. Ce discours marque pour lui un engagement honnête, voué au succès car la politique est « une affaire de peuple » et non « de système ». Un ancien militaire de carrière apprécie la critique de la guerre en Afghanistan et du rattachement à l’Otan : Sarkozy « a vendu la France aux États-Unis » en « traître » , estime-t-il. «  Il devrait être destitué. En une autre époque, on aurait appelé le peloton d’exécution ! »

Dans la foule, on compte malgré tout quelques sceptiques. De simples curieux, ou d’autres qui accompagnent leurs amis, sans grande conviction. « Ça ne va rien donner » , prédit ainsi une jeune femme « totalement de gauche » et visiblement pas réjouie d’être là. Selon elle, « ce n’est pas Villepin qui va contrer Sarkozy » . Pour cet autre entrepreneur, plutôt favorable à ce nouveau parti, il faut « des personnes capables de conquérir le pouvoir ». Il trouve le mouvement peu prometteur, manquant « d’argent et de compétences », et regrette ouvertement « l’absence de réflexion politique » . La solidarité revendiquée par Villepin pour son mouvement n’a pas encore gagné tout son public.

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