Didier Porte persiste et signe

Comme annoncé au début de l’été, le chroniqueur viré de France Inter publie un ouvrage retraçant les circonstances de son licenciement.

Jean-Claude Renard  • 16 septembre 2010 abonné·es
Didier Porte persiste et signe

Dur métier que de faire de l’humour sérieusement. On en paye vite les pots cassés. En masse. Chroniqueur durant deux lustres à France Inter, Didier Porte en a fait les frais avant les vacances estivales. L’humoriste avait annoncé pour cette rentrée un pavé livrant les tours et les détours de son éviction [^2]. C’est chose faite avec Insupportable, chronique d’un licenciement bien mérité. Qui s’ouvre précisément sur les mots de Philippe Val, envoyés par lettre recommandée, comme il se doit : « Je souhaite renouveler et faire évoluer l’antenne. La conception d’une nouvelle grille contraint nécessairement la direction à renoncer à certaines émissions ou chroniques. »

De quoi apprécier chez Didier Porte le recours au verbe « renoncer ». On imagine, en effet, la souffrance ressentie par le directeur d’Inter. Un directeur « qui est au champ médiatique ce qu’Éric Besson est au politique : une figure emblématique du reniement. » Et de revenir aux années Font et Val, de rappeler les positions en faveur des frappes de l’Otan au Kosovo en 1999 ou du « oui » au traité européen. Puis, après avoir rappelé que Jean-Luc Hees a « sans doute très mal vécu de demander le gîte et le couvert radiophonique chez le milliardaire Bernard Arnault, propriétaire de la très confidentielle Radio Classique » , Didier Porte de poursuivre en détail sur les circonstances de son licenciement. Balayant dix ans de radio et un millier de papiers, la fameuse chronique « J’encule Sarkozy » sous la voix de Dominique de Villepin atteint du syndrome de la Tourette, dont il reconnaît qu’elle est « borderline » , prétexte idéal pour être viré, son avertissement officiel par Philippe Val, deux jours après, déjà par lettre recommandée, son refus de faire des excuses publiques, enfin le lâchage de Nicolas Demorand sur le plateau du « Grand Journal » de Canal + (remarquable « condamnation par contumace » ). On connaît la suite. Livrée ici au mot près, avant une postface de Raoul Vaneigem ( « Il n’y a ni bon ni mauvais usage de la liberté d’expression, il n’en existe qu’un usage insuffisant. » ).

Didier Porte a eu le bon goût d’entrelarder son propos de ses chroniques radiophoniques. Qui sont, à vrai dire, au bout d’une plume polémique et irrévérencieuse, autant de motifs de licenciement ! D’un billet à l’autre, et à écouter ses successeurs, Raphaël Mezrahi, Gérald Dahan, Daniel Morin ou Sophia Amram, on observe combien la distance est grande. Non seulement la chronique humoristique a été reportée à 8 h 55, en fin de matinale, c’est-à-dire après et loin de l’invité, mais surtout elle est dépolitisée. Dur métier en effet, et pas facile la besogne. Mais, pour sûr, l’antenne a été « renouvelée » . Avec un véritable cadeau empoisonné pour les successeurs, en termes d’écriture polémique comme en termes d’audience puisque l’exercice de 7 h 55 attirait en moyenne plus de deux millions d’auditeurs chaque jour. Reste tout de même un troisième larron, avec François Morel. Lequel a fait un clin d’œil pour sa rentrée de chroniqueur : sachant que l’exercice est filmé et diffusé sur le site de France Inter, il a posé devant son micro, bien en vue, le livre de Didier Porte. Du subtil Morel pur jus !

[^2]: Didier Porte assure désormais une chronique en accès libre sur le site d’arretsurimages.net

Idées
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Michaël Fœssel : « Nous sommes entrés dans un processus de fascisation »
Entretien 24 avril 2025

Michaël Fœssel : « Nous sommes entrés dans un processus de fascisation »

Dans Une étrange victoire, écrit avec le sociologue Étienne Ollion, Michaël Fœssel décrit la progression des idées réactionnaires et nationalistes dans les esprits et le débat public, tout en soulignant la singularité de l’extrême droite actuelle, qui se pare des habits du progressisme.
Par Olivier Doubre
Rose Lamy : « La gauche doit renouer avec ceux qu’elle considère comme des ‘beaufs’ »
Entretien 23 avril 2025 libéré

Rose Lamy : « La gauche doit renouer avec ceux qu’elle considère comme des ‘beaufs’ »

Après s’être attaquée aux discours sexistes dans les médias et à la figure du bon père de famille, l’autrice met en lumière les biais classistes à gauche. Avec Ascendant beauf, elle plaide pour réinstaurer le dialogue entre son camp politique et les classes populaires.
Par Hugo Boursier
Sur le protectionnisme, les gauches entrent en transition
Idées 23 avril 2025 abonné·es

Sur le protectionnisme, les gauches entrent en transition

Inflexion idéologique chez les sociaux-démocrates, victoire culturelle pour la gauche radicale… Face à la guerre commerciale de Donald Trump, toutes les chapelles de la gauche convergent vers un discours protectionniste, avec des différences.
Par Lucas Sarafian
Médecine alternative : l’ombre sectaire
Idées 16 avril 2025 abonné·es

Médecine alternative : l’ombre sectaire

Un rapport de la Miviludes met en lumière un phénomène inquiétant. Depuis la pandémie de covid-19, l’attrait pour les soins non conventionnels s’est accru, au risque de dérives dangereuses, voire mortelles.
Par Juliette Heinzlef