Où aller pour épargner l’avenir ?

Quitter sa banque est certes possible, mais il n’est pas facile de repérer les organismes vraiment éthiques et solidaires. Quelques pistes pour faire le bon choix.

Thierry Brun  et  Pauline Graulle  • 17 mars 2011 abonné·es

La forte médiatisation des appels à quitter sa banque a soulevé de nombreuses questions sur le caractère éthique ou non de certaines banques, ainsi que sur leurs activités. Où l’on découvre qu’en France il n’est pas évident de sortir d’un système bancaire qui porte une lourde responsabilité dans les crises financières.

**
Qu’est-ce qu’une banque éthique ?**

Il n’y a pas de définition réglementaire ou normative de la banque éthique. L’éthique financière est à géométrie variable, ce qui fait que l’on peut trouver des banques engagées dans la spéculation à tout-va, cultivant le secret bancaire, et proposant des produits financiers éthiques. Le degré d’éthique des banques est déterminé à partir de leurs activités et de leur transparence. Plus largement, sont considérés comme éthiques les établissements qui ­souhaitent replacer l’argent au service des hommes par une maîtrise des flux financiers et le financement d’une économie sociale et solidaire. La plupart sont des coopératives et des associations qui garantissent qu’elles ont bien investi dans des ­activités et projets à plus-value sociale, environnementale ou culturelle.

Y a-t-il une banque éthique en France ?

Il existe en France des institutions financières fondées sur des valeurs éthiques, « mais aucune d’entre elles n’est une banque à part entière » , précise l’association Finansol, qui fédère les financeurs solidaires et des établissements financiers. La Nef, les Clubs d’investissement pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire (Cigales), la société de capital-risque solidaire Garrigue et beaucoup d’autres sont limités à la collecte de l’épargne et au crédit [[On trouve la liste de ces établissements sur le site de Finansol ou dans le hors-série d’Alternatives économiques
sur les placements solidaires (n° 45, septembre 2010).]]. La France fait figure d’exception car les banques éthiques sont présentes dans la plupart des pays européens. Citons notamment la Banca Etica (Italie), Fiare (Espagne), GLS Bank (Allemagne), Triodos (banque néerlandaise ayant des succursales en Belgique, au Royaume-Uni et en Espagne), etc. En France, le groupe Crédit coopératif est une banque éthique mais aussi une filiale du groupe Banque populaire-Caisses d’épargne (BPCE), dont les pratiques sont loin de répondre aux critères d’une banque éthique.

Peut-on ouvrir un compte courant
dans une banque éthique ?

Depuis la crise financière de 2008, le besoin se fait sentir en France de développer le crédit à court terme et les comptes courants pour répondre aux besoins des particuliers, des associations et des entreprises. La société financière coopérative la Nef s’est préparée depuis plusieurs années à devenir un établissement bancaire de plein exercice, et a investi dans des moyens techniques et humains pour y parvenir (voir entretien p. 19). Or, pour l’instant, elle ne dispose pas des agréments nécessaires à l’exercice de cette activité. Si l’on veut ouvrir un compte courant à la Nef, il faut adresser une demande à une agence du groupe ­Crédit coopératif.

Existe-t-il
un label éthique ?

Il n’existe pas de label garantissant le caractère éthique des activités des établissements bancaires en France. Mais l’association de finances solidaires Finansol décerne un label qui permet de distinguer les placements selon des critères de solidarité et de transparence. Ce label garantit a minima que 5 à 10 % de l’encours de l’épargne finance des activités solidaires, et qu’au moins 25 % des revenus de l’épargne sont versés sous forme de dons à des organismes solidaires. De nombreux placements ont été labellisés par Finansol et sont recensés dans un guide des placements solidaires, publié par le mensuel Alternatives économiques.

Les banques de l’économie sociale
sont-elles éthiques ?

Comme notre classement l’indique, très peu de banques peuvent prétendre être éthiques, solidaires ou alternatives en France. Pourtant, parmi les fleurons bancaires, nombreux sont ceux qui se distinguent par leur statut de société coopérative, et sont des piliers d’une économie sociale fondée sur des principes de solidarité. Le groupe Banques populaires-Caisses d’épargne (BPCE), dont le Crédit coopératif est une filiale, le Crédit mutuel et le Crédit agricole font partie de ces banques de l’économie sociale. La crise financière de 2008 a cependant mis au jour la forte banalisation du statut coopératif de ces banques ainsi que leurs activités spéculatives. La plupart ont une présence significative dans les paradis fiscaux. Selon le classement 2008 du Centre français d’information sur les entreprises (CFIE), qui analyse les rapports sociaux et environnementaux des grandes entreprises, la plupart des groupes bancaires français, y compris les grands établissements coopératifs, étaient à la traîne.

Peut-on investir éthique ou solidaire ?

Certains établissements bancaires ou d’assurances proposent des produits de placements dits éthiques, pour répondre à la demande d’une clientèle soucieuse de donner du sens à son épargne. Ces fonds d’investissements socialement responsables (ISR), proposés par la plupart des groupes bancaires, intègrent a minima des critères environnementaux et sociaux, mais ne sacrifient rien la performance financière. En 2008, ils ne représentent que 2 % de l’encours total des fonds d’investissement. La notion de rentabilité à court terme dans les domaines de la spéculation boursière, pourtant incompatible avec l’investissement responsable, fait qu’aujourd’hui certains placements éthiques, tout en garantissant le capital, offrent des rendements voisins des produits « familiaux » classiques comme les livrets et assurances vie. On trouvera des dizaines d’offres de placements solidaires dignes de ce nom auprès des petits établissements financiers de l’économie solidaire existant en France.

Que penser des cartes bancaires solidaires ?

En plein développement depuis la crise, les cartes bancaires solidaires représentent aujourd’hui 3 % des cartes en circulation. Depuis 2008, la Société générale verse ainsi 0,05 euro à l’une de ses 14 associations partenaires à chaque fois que l’un des 38 000 détenteurs de sa « carte citoyenne » réalise une transaction. « En six mois, nous avons collecté quelque 5 000 euros , rapporte-t-on à l’ONG Care. Ce n’est pas énorme, mais cela nous permet de gagner en notoriété. » Et cela permet à la « Sogé », qui a beaucoup à se faire pardonner (affaire Kerviel, scandale des stock-options de plusieurs millions versées aux dirigeants en pleine crise, etc.), de se refaire une vertu à bon compte : non seulement les clients paient leur carte 12 à 24 euros pour avoir droit de faire œuvre de générosité, mais la banque bénéficie en outre d’une coquette réduction fiscale au titre du mécénat.

Autre philosophie au Crédit coopératif : ici, la carte Agir (dix ans d’existence) est gratuite, et le Crédit coop reverse, dès la souscription, 3 euros à l’une des 12 associations qu’il parraine. Puis 6 centimes à chaque retrait. Le client peut aussi faire un don supplémentaire de sa poche. Résultat, 150 000 euros ont été reversés en 2011 via 30 000 porteurs de la carte Agir (soit 70 % des clients du Crédit coop). En bref, une carte solidaire, pourquoi pas, mais gare à la solidarité gadget !

Publié dans le dossier
Peut-on sortir du nucléaire ?
Temps de lecture : 6 minutes