Éducation : blocages locaux, enjeux nationaux

Opposée à la suppression de 16 000 postes à la rentrée de septembre, la communauté éducative va tenter de mobiliser dans chaque académie ces prochains jours. Une action difficile à fédérer à l’échelle nationale.

Erwan Manac'h  • 6 avril 2011
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Éducation : blocages locaux, enjeux nationaux

Trois cents personnes à Besançon lundi, 400 à Quimper, un rassemblement organisé hier à Bordeaux, un autre vendredi à Tulle… Des actions sporadiques contre les suppressions de postes dans l’éducation ont lieu dans toute la France depuis plusieurs semaines. Depuis dix jours, celles-ci gagnent en intensité.

En Seine-Saint-Denis, les parents d’une école d’Épinay-sur-Seine ont occupé le bureau du directeur pendant deux mois ; quatre villes étaient mobilisées le 31 mars dans ce département où la question éducative est une préoccupation majeure.

Dans chaque académie, les deux instances décisionnelles, les Comités techniques paritaires (CTPD) et les Conseils départementaux de l’éducation nationale (CDEN), doivent se réunir ces jours-ci pour appliquer, entre autres, les suppressions de postes pour la prochaine rentrée. Ces réunions décisives ont été décalées au lendemain des élections cantonales, officiellement pour respecter le droit de réserve des élus locaux qui siègent au CDEN.

Il s’agissait surtout de repousser des discussions gênantes pour la droite : « Il y a des enjeux locaux très forts avec ces suppressions de postes, il y a donc eu une manœuvre politique pour décaler les discussions après les cantonales » , explique Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp, syndicat des enseignants du primaire. Ces rendez-vous, qui se tiendront dans les deux prochaines semaines, engendrent des mobilisations importantes sur le terrain.

Les syndicats à la peine

Localement, les mouvements de protestation peuvent s’avérer efficaces mais la logique de diminution des moyens est plus complexe à combattre à l’échelle nationale. Le rapport de force ne semble d’ailleurs pas effrayer le ministère, alors que le budget 2012 est déjà en préparation avec de nouvelles suppressions de postes à craindre. Le 19 mars, entre 15 000 et 28 000 personnes ont défilé à l’appel du collectif L’éducation est notre avenir (25 organisations) mais la communauté éducative a subi trop de revers. Elle peine à se mobiliser une énième fois pour sauver des postes qui ne suffisent même pas au bon fonctionnement des établissements. « Nous envoyons un signal d’alerte important sur la question éducative. Nous ne pouvons pas accepter le plan d’austérité et les non remplacements aveugles qui ignorent les besoins éducatifs » , répète Sébastien Sihr, joint par Politis.fr.

« Nous sommes conscients qu’il faut se battre collectivement, car en nous mobilisant à Epinay, par exemple, nous avons obtenu 15 remplaçants pendant 11 jours, mais ce sont des postes qui manqueront ailleurs , analyse Mathieu Glaymann, parent d’élève FCPE à Épinai-sur-Seine. Et puis les blocages d’établissements ne peuvent pas durer éternellement, nous ne voulons pas nous mettre à dos la communauté éducative qui nous soutient. Tout le monde a besoin que les cours se tiennent. Ce qu’il faudrait, c’est qu’un mouvement démarre localement et se généralise, comme en 1998 à partir de la Seine-Saint-Denis. À l’époque, une mobilisation très forte avait duré deux mois et nous avions obtenu la création de 3000 postes dans un plan de rattrapage. »

Au total, 16 000 postes seront supprimés à la rentrée de septembre 2011 dans l’éducation nationale. Une perte qui s’ajoute au manque déjà criant de remplaçants pour les enseignants absents, à la raréfaction des enseignants spécialisés « Rased » pour accompagner les enfants en difficulté ou au manque de médecins scolaires et d’accompagnateurs pour les élèves handicapés. Depuis 2007, la politique de non remplacement systématique d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique a entrainé la suppression de 50 000 emplois dans l’éducation.


Politis.fr


Société
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