« Des milliers d’héroïnomanes »

João Goulão, président de l’Institut portugais des drogues et toxicodépendances (IDT), rappelle les difficiles années 1980 dans son pays.

Olivier Doubre  • 30 juin 2011 abonné·es

« Lors de la révolution des Œillets, en 1974, nous sortions d’un régime fasciste et autoritaire. Le pays était isolé depuis des décennies et n’avait pas connu de mouvements contre-culturels comme aux États-Unis et dans les autres pays d’Europe.
La société était donc ignorante, naïve même, par rapport aux drogues. Il n’y avait aucune prévention. En revanche, avec la décolonisation et la fin des guerres en Angola et au Mozambique, les soldats et des Portugais qui, là-bas, consommaient ces produits, en ont rapporté en grande quantité.
Avec la libéralisation des mœurs, la société portugaise a vu la consommation de drogues augmenter, sans que les gens sachent bien la différence entre un joint et une injection d’héroïne.
Dès le milieu des années 1980, le pays comptait des dizaines de milliers d’héroïnomanes. Une sorte de marché de la désintoxication, avec des sociétés privées spécialisées, s’est alors développée sans contrôle, et sans grands résultats non plus. En 1986, le premier centre public de traitement des toxicodépendances a ouvert à Lisbonne, mais la législation répressive n’encourageait pas les gens à se tourner vers le système de soins, par peur d’être repérés par la police ou les tribunaux.
La réforme a permis de rompre avec cette situation désastreuse, et les résultats sont positifs. Néanmoins, avec la crise actuelle et le chômage en hausse, je suis inquiet pour les années à venir, en particulier en ce qui concerne la consommation d’alcool. »

Publié dans le dossier
Drogues, pourquoi il faut dépénaliser
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