L’esprit des voix

Les Américains de Guided By Voices sont de retour. Foisonnant.

Jacques Vincent  • 9 février 2012 abonné·es

Guided By Voices, c’est essentiellement Robert Pollard, seul élément stable de ce collectif à géométrie variable apparu sur la scène américaine en 1986, néanmoins doté de signes particuliers intangibles qui dessinent une personnalité singulière. Dont cette constance à sortir des disques rassemblant un nombre important de morceaux à la durée disparate.

Un trait qui tient à l’un des principes de base de son leader dans sa façon de composer : prendre ce qu’il y a de bon dans une chanson, même si c’est une séquence de trente secondes, et jeter le reste. À l’arrivée, un disque de Guides By Voices, dans lequel les morceaux s’enchaînent sans temps mort, ressemble plus à un collage qu’à une collection de chansons.

Autre constante : les titres loufoques. Pour donner une idée, le premier album s’intitulait « Le diable entre mes doigts de pied »  ; le quatrième « L’endroit même où la mouche a été écrasée » . Guided By Voices est du genre facétieux. Dernière facétie en date : une disparition de sept ans après un concert de quatre heures à Chicago le 31 décembre 2004.

Voici donc le groupe de retour, qui plus est dans une formation que l’on n’a pas connue depuis 1996. D’abord il y a eu, l’an passé, une tournée pendant laquelle les cinq compères n’ont joué que des morceaux de la première moitié des années 1990. Aujourd’hui, un nouvel album dont le titre, Let’s Go Eat The Factory (« Allons manger l’usine »), respecte parfaitement l’esprit d’origine.

Tout comme cette succession de vingt et un morceaux, allant de trente-cinq secondes à quatre minutes, l’ensemble dépassant à peine les quarante minutes. Mais d’une telle richesse que beaucoup y trouveraient de quoi faire deux ou trois disques.

Une fois encore, entrer dans ce nouvel album revient à pénétrer dans un jardin labyrinthique et touffu. On y découvre un nombre incroyable de plantations, mais dans un désordre légèrement perturbant. Le son est puissant, parfois âpre. Des zones d’ombre viennent contrarier les lumières vives sans jamais troubler un lyrisme inaltérable. Les ruptures de ton sont légion, et la finesse mélodique côtoie les rugosités sonores. Mais la force des compositions capte tout du long l’attention de l’auditeur et lui évite de se perdre dans ce dédale.

Musique
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