Autopsie de cinq ans de sarkozysme

Au fil de l’actualité, faits
et méfaits d’un quinquennat, analysés par un sociologue.

Olivier Doubre  • 29 mars 2012 abonné·es

Pourquoi réunir et publier à nouveau des chroniques parues dans la presse ( le Monde, Libération, Regards et Politis , lorsqu’il intervenait au sein de notre « Observatoire du 6 mai », date de l’élection de Nicolas Sarkozy) durant le quinquennat ? Bien entendu, on connaît les qualités d’analyse, les convictions et le talent critique d’Éric Fassin, sociologue et enseignant à l’École normale supérieure à Paris. A priori, un tel recueil pourrait, comme c’est le cas pour tant de livres du même type, apparaître dérisoire, voire narcissique. Il n’en est rien.

Tout d’abord parce que chacun des textes se révèle passionnant par la finesse de son regard sur les faits et méfaits du sarkozysme au pouvoir, autant qu’utile de par les rappels de ceux-ci à l’heure de sa possible fin. Mais surtout parce que le sociologue prend la nécessaire précaution de se livrer, dans un long avant-propos, à une remise en perspective et à une réflexion approfondie sur le rapport au temps des médias, des politiques et du chercheur intervenant dans la presse. Il analyse ainsi les « temporalités différentes » des élus ou ministres et du sociologue : « Le temps politique n’est pas le temps sociologique, même quand les deux se croisent dans l’actualité. » Et de prévenir : « Penser l’actualité, […] c’est se doter d’un outil critique pour appréhender l’historicité du présent. » Aussi, ces interventions « écrites au fil du temps se veulent un grain de sable dans la machine politique actuelle, pour en gripper le présentisme » , c’est-à-dire ce « présent omniprésent », « perpétuel, insaisissable et quasi immobile » – reprenant là les concepts forgés par l’historien allemand Reinhart Koselleck dans ses réflexions sur sa discipline.

Or, comme on sait, Nicolas Sarkozy a un rapport très particulier au temps médiatique : « Pendant son ascension vers le pouvoir, et après son accession à la présidence, son agitation perpétuelle était une manière de prendre de vitesse les médias, de les étourdir à force de tourbillonner ; [il] s’est employé à jouer dans la temporalité des médias, et à en jouer mieux qu’eux. »

Si Éric Fassin décrypte finement la forme de l’action (ou de «  l’agitation  ») du Président, aujourd’hui sortant et candidat à sa succession, ses chroniques de ce qu’il appelle ici la « déraison d’État » à l’œuvre sous la présidence Sarkozy constituent aussi une formidable mise en accusation du « délitement démocratique » – qu’il s’agit « de penser dans son actualité »  – à l’œuvre depuis cinq ans, dans un « régime » qu’il qualifie de « démocratie précaire ». En espérant qu’il s’agisse de l’autopsie de ce régime.

Idées
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