La confession d’un curé du siècle

Le témoignage d’un prêtre engagé auprès des jeunes des cités, fin connaisseur des cultures musulmanes.

Olivier Doubre  • 12 avril 2012 abonné·es

On l’a appelé le « curé des Minguettes ». Une dénomination que lui ont d’abord « donnée les policiers », puis bientôt les médias – car « personne ne s’attendait à trouver là un prêtre »… C’était « l’été chaud » de 1981. Les jeunes de cette cité de la banlieue lyonnaise, privés de vacances, s’adonnaient à des « rodéos » en voiture. Au lendemain du retour de la gauche au pouvoir, la France découvrait les tout premiers signes du fameux « malaise des banlieues ».

Au bas des tours, le père Christian Delorme, jeune curé de « la famille spirituelle du Prado », une chapelle adhérant à la doctrine sociale de l’Église d’un quartier populaire de Lyon, tente de modérer tant bien que mal ces jeunes souvent à la dérive, la plupart issus de l’immigration maghrébine. Moins de deux ans plus tard, à l’hiver 1983, il est l’un des rares adultes, véritable autorité morale, à accompagner, guider parfois, la première Marche des Beurs contre le racisme et pour l’égalité des droits, initiative née en réaction à plusieurs meurtres racistes et « bavures policières » contre de jeunes Arabes, restés impunis devant la justice. Il marche avec eux depuis les quartiers nord de Marseille… jusqu’à l’Élysée, où il seconde la délégation d’une dizaine d’entre eux, reçus par François Mitterrand.

Christian Delorme, que l’on a aussi nommé « l’apôtre des banlieues », aujourd’hui « le prêtre ami des musulmans », se livre à une exégèse de son parcours de jeune Français, choqué par les violences policières auxquels il assiste, adolescent, pendant la guerre d’Algérie. Des violences qui vont grandement contribuer à son engagement pour la non-violence , mais aussi à sa décision d’embrasser la prêtrise. Toute sa vie proche des immigrés maghrébins, fin connaisseur de la religion et des cultures musulmanes, après de nombreux voyages en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, il est devenu l’un des promoteurs les plus obstinés de l’Église française en faveur du dialogue entre les religions, notamment avec l’islam.
Ce livre-confession au titre évocateur, L’islam que j’aime, l’islam qui m’inquiète (mené par Antoine d’Abbundo, rédacteur en chef de Pèlerin magazine), se refuse à éluder les « questions qui fâchent » entre les « deux seules religions à prétention universelle » – « c’est d’ailleurs pour cela qu’elles sont en conflit depuis qu’elles existent »…

Contre ce « conflit des civilisations » que d’aucuns voudraient voir s’exacerber, de la guerre du Liban entre chrétiens et musulmans aux attentats du 11 septembre 2001, des bombes dans le RER parisien en 1995 posées par le groupe de Khaled Kelkal, jeune Maghrébin de la banlieue lyonnaise, à la fatwa contre Salman Rushdie ou la polémique autour du voile à l’école, le prêtre, pétri de sa foi en l’homme, se refuse à croire que l’islam, à l’instar de n’importe quelle autre foi, « soit irrémédiablement incompatible avec la démocratie ».

Idées
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