Hollande, plus ou moins ?

Quelques avancées, des symboles appréciables, mais aussi des reculs et des promesses non tenues.

Denis Sieffert  et  Thierry Brun  et  Patrick Piro  et  Clémence Glon  • 1 novembre 2012 abonné·es

Fiscalité

Illustration - Hollande, plus ou moins ?

La « grande réforme fiscale », qui promettait une « taxation des revenus du travail comme ceux du capital », est moins ambitieuse qu’il n’y paraît. Les orientations budgétaires retenues pour 2013 ont donné priorité au retour à l’équilibre des finances publiques, conformément à la règle d’or adoptée avec le traité budgétaire européen. Ce choix a provoqué un empilement de mesures d’austérité, afin de réaliser plus de 35 milliards d’euros d’économies supplémentaires, mais les revenus du capital s’en sortent plutôt bien. L’évasion fiscale va bon train et « l’optimisation » des plus riches restera possible : le plafonnement à 10 000 euros ne concerne que quelques niches. Et certaines, auparavant soumises au plafonnement, en ont été exclues, en particulier celles visant l’investissement outre-mer.

En ce qui concerne les entreprises, le gouvernement a reculé sur la taxation du capital (intérêts, plus-values, dividendes) après la fronde des « pigeons » entrepreneurs. Ainsi, le -rendement attendu de la nouvelle taxation n’est que de 250 millions d’euros…

Les redevables de l’impôt sur le revenu (16 millions) vont trinquer car le gel des tranches d’imposition est maintenu, ce qui équivaut à une hausse de 2 %, avec cependant une plus grande progressivité et un dispositif de décote épargnant les ménages les plus modestes. Le gouvernement a aussi repris à son compte une politique de gel de la dotation globale de financement des collectivités, initiée par la droite, qui aura un impact social négatif.

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L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été relevé, avec un plafonnement à 75 % du cumul de l’ISF et des autres prélèvements des plus riches. Une nouvelle tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu a été créée, ciblant les contribuables qui déclarent plus de 150 000 euros annuels. Une autre tranche sera mise en place : une taxation à 75 % pour les revenus d’activité supérieurs à 1 million d’euros. Enfin, pour les plus aisés, l’avantage qu’induit le quotient familial sera plafonné à 2 000 euros par demi-part supplémentaire.

Social

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L’austérité budgétaire fait plonger la France et les pays de la zone euro dans la récession. Cette -orthodoxie économique, assumée dès les premiers mois par François Hollande, a des conséquences sociales graves : contraction du pouvoir d’achat, explosion du chômage et de la pauvreté. La liste des plans sociaux continue de s’allonger.
Dans le même temps, la lutte contre les licenciements boursiers et les restructurations sauvages est passée à la trappe. Promise par François Hollande pendant la campagne présidentielle, la proposition de loi incitant les entreprises qui ferment un site à le vendre à des repreneurs est restée dans les cartons, ainsi que les contrats de relocalisation, qui devaient être l’une des premières mesures du chef de l’État.

Quant à la participation des salariés au conseil d’administration et au comité de rémunération des grandes entreprises, elle fait toujours l’objet de négociations entre partenaires sociaux depuis le lancement en juillet de la grande conférence sociale. D’autres chantiers, notamment sur le pouvoir d’achat et la politique salariale, sont encore en discussion et ne sont pas près d’aboutir à court terme.

La situation sociale est aggravée par le gel des prestations sociales (dont les retraites et les prestations familiales) ainsi que par le gel des salaires des fonctionnaires. L’arrêt de la Révision -générale des politiques publiques (RGPP), et donc la fin du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, est contrebalancé par une nouvelle règle de stabilité globale des effectifs et de baisse des dépenses de l’État. La création de postes dans l’Éducation nationale ainsi que dans la police et la justice accélère la baisse des effectifs et des dépenses dans d’autres services publics.

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François Hollande a, dès les premières semaines de présidence, donné quelques signaux de rupture avec le précédent quinquennat. Augmentation de 2 % du Smic au 1er juillet au lieu du 1er janvier 2013, qui a certes déçu les syndicats et le Front de gauche ; création de 100 000 « emplois d’avenir » en 2013, certes des emplois précaires, qui permettront de réduire le chômage des jeunes. La suppression dès juillet de la TVA Sarkozy (dite « sociale »), qui devait entrer en vigueur en octobre, évite aux ménages de financer une baisse de 13,2 milliards d’euros de cotisations familiales patronales.
Des mesures sociales ont été adoptées dès juin par décret, juste avant les élections législatives, notamment le droit de partir à la retraite à 60 ans pour les personnes qui ont commencé à travailler à 18 ans et cotisé 41 annuités. Dans le dispositif « carrières longues », les femmes ayant élevé trois enfants ou plus pourront décompter deux trimestres « validés » au cours de leur carrière en plus des quatre trimestres qui leur étaient alloués en cas de maladie, maternité ou accident de travail. Et ceux qui ont passé une partie de leur carrière au chômage auront le droit de le comptabiliser dans le décompte des trimestres, dans la limite de deux trimestres supplémentaires.
Dès la fin mai, le gouvernement a plafonné à 450 000 euros les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques. Mais cette décision ne s’attaque pas aux rémunérations variables, comme les parachutes dorés, les retraites chapeaux, les stock-options, les actions gratuites ou encore les primes de non-concurrence dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Écologie

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Deux mesures vont dans le sens de la réduction des émissions de gaz à effet de serre : l’accentuation des montants du barème du bonus-malus à l’achat d’une voiture neuve, qui pénalise les plus émettrices de CO2 et gratifie les plus vertueuses, ainsi que le plafonnement des remboursements au kilomètre des déplacements professionnels.
La confirmation de la fermeture de la centrale de Fessenheim (fin 2016) met la pression sur le nucléaire, tandis que le Premier ministre a assuré, lors de la conférence environnementale, que le dossier des gaz de schiste ne serait pas réouvert. Enfin, la loi sur la progressivité de la tarification de l’énergie, si elle n’est pas édulcorée, incitera aux économies et soulagera les faibles revenus.

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Pas de fiscalité verte digne de ce nom en vue. Les quelques mesures adoptées dans la loi de finances 2013 (automobile, Taxe générale sur les activités polluantes) procèdent d’un classique saupoudrage dont les effets resteront marginaux.
La transition énergétique vantée par Hollande pendant sa campagne en reste au stade de la communication. Sans parler des signaux négatifs : blocage pour trois mois des prix de l’essence, politique de redressement industriel incapable d’amorcer les reconversions qui s’imposent, etc.
Plusieurs reculs sont assumés, avec l’abandon des objectifs « Grenelle » d’expansion de la bio ou du reflux des pesticides. Enfin, la volonté de maintenir le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (44) symbolise la continuité de la politique des grands projets inutiles et néfastes pour l’environnement.

Immigration

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Le discours de Grenoble, en juillet 2010, avait marqué les esprits de gauche comme de droite. En stigmatisant officiellement les Roms et en lançant une traque sans précédent, Nicolas Sarkozy préparait sa défaite de mai dernier. Mais le -changement de tête au ministère de l’Intérieur n’a pas marqué de franche rupture. Durant l’été, près de 3 000 Roms ont été délogés de leur lieu de vie. La circulaire interministérielle du 26 août qui vise à encadrer ces « opérations d’évacuation » est loin d’avoir calmé le jeu.
Le droit de vote des étrangers aux élections locales est un engagement qui ronronne au PS depuis 1981. Alors que François Hollande s’était engagé à le mettre en place pour les municipales de 2014, il semble prendre le large du débat politique. Manque de majorité au Parlement, révision de la Constitution : les obstacles sont trop importants, s’excuse le gouvernement.

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Depuis le 18 octobre, les critères pour prétendre à la naturalisation sont moins restrictifs. Par exemple, il n’est plus obligatoire d’être titulaire d’un CDI. Le nombre de naturalisations devrait ainsi retrouver sa moyenne de 2010, qui tourne autour de 100 000. En 2011, elle était tombée à 87 000.

Logement

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Au-delà du cafouillage législatif et de sa censure par le Conseil constitutionnel, la loi Duflot sur le -logement avait au moins le mérite de répondre aux engagements du candidat Hollande. Ce qui ne l’empêche pas de rester franchement timide en ce qui concerne le logement social. Par exemple, la révision de la loi SRU, qui obligera les communes de plus de 3 500 habitants à acquérir 25 % de logements sociaux – plutôt que 20 % actuellement –, inclut toujours dans cette part le prêt locatif social (PLS). Les habitations publiques ou privées financées par ce prêt excluent pourtant les 1,2 million de personnes en attente d’un logement social.

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Depuis le 1er août et l’entrée en vigueur du décret sur l’encadrement des loyers, les propriétaires de 38 agglomérations ne peuvent augmenter les prix à la location à leur gré. Au renouvellement d’un bail ou au changement de locataires, ils doivent respecter l’indice de référence des loyers (IRL), calculé par l’Insee en fonction de l’inflation.

Mariage

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Malgré le débat passionné qui s’est engagé, le gouvernement ne baisse pas les bras dans son projet de généraliser le mariage civil et l’adoption aux couples homosexuels. Examinée le 7 novembre en Conseil des ministres, la loi étudiée au Parlement en janvier prochain verra certainement pleuvoir les amendements. Les associations LGBT regrettent que le texte dissocie adoption et procréation -médicalement assistée. Quoi qu’il en soit, cette mesure -marquera un tournant dans la perception de la famille en France.

Éducation

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Elle est le plus grand chantier du quinquennat : 43 500 postes dès la prochaine rentrée (dont 22 100 pour le remplacement des départs à la retraite) et 44,5 milliards d’euros pour le budget de 2013. Jusque-là, François Hollande semble tenir sa promesse des 60 000 postes supplémentaires d’ici à 2017. La concertation sur la refondation de l’école, prélude à la loi d’orientation attendue pour janvier 2013, a également le mérite de recréer du dialogue dans le secteur le plus abîmé par les années Sarkozy.
La revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) de 25 %, destinée à soulager les familles modestes dont les enfants sont en âge d’aller à l’école, a bien été établie.

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Si le primaire est le cheval de bataille de Vincent Peillon, le rapport sur la concertation ne mentionne pas ou peu la situation du lycée ou de la maternelle. Face aux 400 000 à 500 000 places manquantes en crèche, François Hollande avait défendu un « service public de la petite enfance ». Quand compte-t-il s’y atteler ?

Sécurité

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Le récépissé ne sera pas l’outil pour lutter contre les contrôles au faciès. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a renoncé à mettre en place ce document qui aurait été remis à toute personne soumise à un contrôle d’identité.
Les zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été rapidement mises en œuvre. Quinze territoires ont été classés comme nécessitant des moyens particuliers pour lutter contre la délinquance. La méthode ? Gonfler les effectifs de la police ou de la gendarmerie. Les acteurs locaux, eux, n’ont pas été consultés.

Santé

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À mesure que le budget diminue, la marge de manœuvre de Marisol Touraine s’amenuise. En présentant son pacte de confiance, la ministre des Affaires sociales et de la santé a pourtant rappelé qu’elle mettrait fin à la convergence tarifaire entre secteur public et secteur privé. Mais rien n’a été réellement enclenché pour le moment. Quant aux dépassements d’honoraires, l’accord signé in extremis le 23 octobre déçoit. Le plafond de 2,5 fois le tarif de la Sécurité sociale reste bien trop élevé et n’est que facultatif.

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L’abandon de la franchise de 30 euros que devaient régler les sans-papiers pour accéder à l’aide médicale d’État (AME) ne peut être que salué.
L’Assemblée a voté le 26 octobre la gratuité de la contraception des mineures de 15 à 18 ans (jusqu’à présent, elle n’était remboursée qu’à 65 %). L’IVG sera quant à elle remboursée à 100 % pour toutes les femmes dès janvier 2013. Une avancée notable puisque l’avortement peut coûter jusqu’à 450 euros pour une personne majeure.
Le 26 octobre, l’Assemblée a également voté la fin de la convergence tarifaire. Introduite en 2005, celle-ci prévoyait d’harmoniser les prix entre cliniques et hôpitaux alors que ces -derniers écopent des opérations les plus lourdes et les plus coûteuses. L’Assemblée a voté cet article du PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) au nom de la spécificité de chaque secteur.

Politique étrangère

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La diplomatie se prête peu aux grandes ruptures. Mais, dans une région du monde au moins, le nouveau président a pris ses distances avec son prédécesseur, et peut-être même avec le lourd héritage de la Ve République. « Le temps de la Françafrique est révolu », a-t-il affirmé au mois d’octobre à Dakar, à la veille du sommet de la francophonie. Devant ses hôtes africains, il s’est engagé à ce que « les officines trouvent désormais porte close à la présidence de la République française ». Il vaut mieux entendre cela que le calamiteux discours prononcé cinq ans plus tôt dans la même capitale sénégalaise par Nicolas Sarkozy, qui reprochait à « l’homme africain » de n’être « pas assez entré dans l’histoire ». Mais, à ce propos, nous avons appris à être prudent. La gauche n’a jamais été avare de promesses, ensuite oubliées quand les intérêts pétroliers reprenaient le dessus.
S’il fallait accorder un autre satisfecit, ce serait à cet acte de reconnaissance des massacres commis par la police française le 17 octobre 1961. Un geste plus que symbolique qui s’adresse principalement à l’Algérie. Enfin, il faut aussi placer du bon côté de la balance le retrait accéléré des troupes françaises d’Afghanistan.

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Pour le reste, François Hollande marche dans les pas de son prédécesseur. Il n’est plus question par exemple de se désengager du commandement intégré de l’Otan, comme cela avait été envisagé pendant la campagne électorale. Si on ne peut guère lui reprocher son impuissance face au drame syrien – elle est très partagée –, on ne peut que déplorer son suivisme sur la question du nucléaire iranien, qualifiée de « plus grave des menaces qui pèsent sur la stabilité du monde ». Un suivisme d’autant plus évident qu’il s’accompagne d’un discours lénifiant sur le conflit israélo-palestinien. Évoquant devant l’Assemblée générale de l’ONU « la permanence des conflits dont le règlement est chaque jour différé, comme au Proche-Orient », il a soigneusement tenu à équidistance colonisateurs et colonisés.
Restent les préparatifs d’intervention contre les islamistes qui tiennent le Nord Mali. La diplomatie française, prudente, propose un soutien à l’Union africaine et à la Cedeao afin que « les Africains eux-mêmes règlent cette question ». Mais le degré d’engagement de la France est encore une énigme.

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