ONU septembre 2014 : les deux discours incendiaires de Cristina Kirchner

Ce sont deux brûlots qu’a lancés Cristina Fernández De Kirchner, présidente de l’Argentine, à l’ONU le 24 septembre 2014. L’un prononcé devant le Conseil de sécurité, l’autre devant l’Assemblée générale.

Le Yéti  • 13 octobre 2014
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ONU septembre 2014 : les deux discours incendiaires de Cristina Kirchner
NB : Les deux discours prononcés par Cristina Kirchner à l'ONU sont intégralement retranscrits en français {{[sur le site les-crises.fr->http://www.les-crises.fr/discours-presidente-argentine-onu/]}}.

Cristina Kirchner à l’ONU le 24 septembre

Deux discours si subversifs que Barack Obama lui-même, désarçonné, en vint à reprendre son homologue sud-américaine pour des questions… d’emploi du temps ! Propos si séditieux que les grandes chaînes internationales de télévision en interrompirent brutalement la diffusion. Et que les sous-titres en furent coupés.

Que disait donc la dame pour ne pas mériter la moindre citation dans nos médias mainstream, au contraire de leurs homologues africains, asiatiques et latino-américains ? Quelle sombre colère s’emparait de cette responsable politique, membre d’un parti de centre-gauche plutôt modéré ? Quelle vilaine mouche pour la piquer ainsi au vif et faire basculer l’Argentine dans le camp de plus en plus résolument anti-occidental des BRICS ?

« Ne pas continuer à alimenter le monstre »

Le premier discours de Cristina Kirchner concernait la discussion de la résolution 2178 anti-terroriste par le Conseil de sécurité de l’ONU , dont l’Argentine venait de prendre la présidence mensuelle.

« Bien entendu », commença Cristina Kirchner, « je suis venue pour voter pour la résolution 2178 et aussi pour condamner le terrorisme, résolument et explicitement. » D’autant, ajouta-t-elle, que son pays, l’Argentine, partageait avec les États-Unis le triste privilège d’être un des deux pays américains à d’avoir subi des attentats sur leur sol (contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires en 1992 et le siège de l’Association mutuelle israélite argentine en 1994).

Mais, poursuivit-elle, Oussama Ben Laden n’est pas non plus « apparu subitement comme un champignon après la pluie ». Il fut entrainé, aux côtés des Talibans, pour combattre la Russie durant la guerre froide. Comment, s’étonna-t-elle, avons-nous pu armer hier ceux que nous combattons aujourd’hui (l’EEIL en Syrie) ?

Pourquoi faisons-nous toujours si complaisamment le jeu des provocations lancées par l’ennemi (la mise en scène des décapitations d’Occidentaux) ? Par quel coup du sort les terroristes sortent-ils toujours plus nombreux, plus forts et plus organisés de chacune des interventions militaires que nous avons dirigés contre eux (Afghanistan, Irak…) ?

« La logique veut que lorsqu’on suit une méthode donnée pour combattre un problème et que ce problème, au lieu de disparaître ou de reculer, s’accentue et gagne du terrain, il faut au moins revoir la méthode et les moyens utilisés, puisque quelque chose ne fonctionne pas. »

Et de conclure, devant un Obama crispé :

« Je pense que nos antécédents nous permettent de dire que la lutte contre le terrorisme doit se faire dans le respect des droits de l’homme, afin précisément de ne pas continuer à alimenter le monstre, oui, le monstre ! »

Barack Obama : « Je voudrais juste rappeler que cette séance doit être levée à 17 heures et que… »


Discours de Cristina Kirchner devant le Conseil de sécurité de l’ONU (en espagnol)

« Il y a aussi des terroristes économiques »

C’est un tout autre genre de terrorisme qu’aborda la présidente argentine dans son discours qui suivit devant l’Assemblée générale de l’ONU.

Elle y fustigea sans ménagement les politiques imposées par des organismes internationaux comme le FMI (Fonds monétaire international) qui permirent à des créanciers sans scrupules de ruiner, par les taux usuraires pratiqués, des pays comme l’Argentine et tant d’autres.

Elle y dénonça en termes très durs la collusion entre la justice américaine et ces fonds vautours « qui diffusent des rumeurs, des infamies et des calomnies sur les personnes, sur l’économie et sur la finance », dans le seul et unique but de s’assurer une rentabilité qui dépasse les 1600 % en cinq ans.

« Ceux qui mettent des bombes sont peut-être des terroristes, mais il y a aussi des terroristes économiques, ceux qui déstabilisent les pays et qui sont responsables de la pauvreté et de la faim, à partir du péché de la spéculation. Il faut le dire en toutes lettres. »

Quelques jours après ses deux sulfureuses allocutions, Cristina Kirchner, dont le pays avait décidé unilatéralement de ne plus passer par les États-Unis pour rembourser ses dettes, prononça à la télévision argentine une autre petite phrase lourde de sens :

« Si, un jour, il m’arrive quelque chose, ne regardez pas vers le Moyen-Orient, mais vers le nord. Cherchez ce qui se trafique dans les ambassades. »

À l’heure qu’il est, toujours aucune réplique officielle de Barack Obama.


Discours de Cristina Kirchner devant l’Assemblée générale de l’ONU (trad. française)
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