Vieux comme le jeu

Selon les historiens, les jouets ont toujours existé. Mais leur fonction a pu changer au fil du temps.

Claude-Marie Vadrot  • 18 décembre 2014 abonné·es
Vieux comme le jeu
© Image : Amoret Tanner Collection/The Art Archive/The Picture Desk/afp

Les jouets ont-ils toujours existé ? Sans doute, si l’on en croit l’historienne Marie-Madeleine Rabecq-Maillard, qui fait remonter leur naissance au temps des cavernes. Lorsque les mères, pour faire tenir leurs enfants tranquilles, leur distribuaient « des cailloux polis et des coquillages [^2] ». Elle ajoute que ces babioles ont été rapidement complétées par des « poupées aux formes rudimentaires ». Comme celles, quoiqu’un peu plus sophistiquées, retrouvées dans des tombes égyptiennes d’enfants du XXe siècle avant notre ère.

Faites de chiffons, les poupées antiques ont toutes disparu. Mais pas celles en terre cuite ou sculptées dans du bois, voire dans de l’os, comme chez les Amérindiens ou les peuples du Nord – Lapons ou Nénets sibériens. Les poupées de métal apparaissent au Haut Moyen Âge mais, de la Renaissance à la fin de l’Ancien Régime, elles sont destinées aux adultes. Leur usage et leur confection connaîtront ensuite une expansion régulière, devenant le jouet dominant des petites filles, et longtemps celui des garçons. Très ancien lui aussi, le cerceau est signalé en Grèce deux cents ans avant J.-C. En Europe, dans les tableaux de Bruegel, peintre flamand du XVIe siècle, cerceaux et poupées figurent encore ensemble. Aujourd’hui disparu en Occident (ou transformé en « hula-hoop » dans les années 1960 aux États-Unis), ce « jouet du pauvre » fabriqué par les enfants avec des bois recourbés maintenus par des ficelles ou du fil de fer, continue d’exister en Afrique, notamment. S’il est difficile, à travers ** les ** représentations anciennes, de déterminer depuis quand les enfants jouent à la balle, des toupies et des chariots de bois ont en revanche été retrouvés dans des tombes très anciennes, y compris dans celle de Toutankhamon. Les hochets, les dés et les osselets font leur apparition au Ier millénaire avant J.-C. Les jouets sont essentiellement fabriqués par la famille, ou par les domestiques dans les milieux riches, et il faut attendre la fin du Moyen Âge pour qu’ils sortent du cercle familial et voyagent dans les havresacs des colporteurs. Mais rares sont ceux qui ont les moyens de les offrir à leurs enfants. Vers la fin du XVIe siècle, ces marchands ambulants apporteront les premiers petits soldats en étain, qui sont alors fabriqués à Nuremberg, en Allemagne. Destinés aux enfants comme aux adultes, ils coûtent eux aussi très cher mais connaissent un grand succès, signant l’amorce d’une distribution plus large.

Le XIXe siècle est un tournant. Le jouet est désormais uniquement destiné aux enfants et a quitté les établis des « bimbelotiers » pour être fabriqué et diffusé en masse. Les premiers grands magasins contribuent à ce développement, dont les poupées, à l’allure de plus en plus travaillée, sont le produit phare. Stimulés par l’importance grandissante des fêtes de Saint-Nicolas et de Noël, parents et enfants prennent aussi l’habitude de se rendre dans les boutiques spécialisées apparues au début du XXe siècle. Les années 1920 ouvrent une période de baisse des prix et de démocratisation de ce qui était jusqu’alors un objet de luxe. Le XXe siècle inaugure l’âge d’or du jouet. Avec le matraquage publicitaire, notamment à la télévision, l’enfant devient une cible privilégiée du marketing, qui le considère désormais « comme prescripteur à part entière des pratiques de consommation de la famille [^3] ».

[^2]: Histoire du Jouet, Marie-Madeleine Rabecq-Maillard, Hachette, 1962.

[^3]: Le Jouet et ses usages sociaux, Sandrine Vincent, La Dispute, 2001.

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