Évasion fiscale : Hold-up pour hold-up

L’association Bizi a trouvé un moyen original d’attirer l’attention sur les milliards d’euros escamotés par HSBC.

Patrick Piro  • 26 mars 2015 abonné·es
Évasion fiscale : Hold-up pour hold-up
© Photo : AFP PHOTO / GAIZKA IROZ

L’affaire aurait pu se solder rapidement si HSBC avait accepté l’arrangement amiable proposé par Bizi. Soit la restitution de huit sièges, subtilisés par l’association le 12 février dans l’agence bayonnaise de la banque suisse, contre un chèque de 2,5 milliards d’euros du groupe au Trésor public français. C’est l’équivalent des sommes que le système HSBC a permis de soustraire aux recettes de l’État entre novembre 2006 et mars 2007, comme le révélait le Monde deux jours avant « l’emprunt ». En cinq mois à peine (et quid des décennies passées ?), 180 milliards d’euros ont ainsi échappé à l’impôt dans divers pays. Hold-up pour hold-up. Dès le lendemain du forfait, le président de Bizi est convoqué par le commissariat de Bayonne pour « vol en réunion », sur plainte de l’agence. La célérité de la justice étonne les militants, mais plus encore l’absence d’une assignation similaire adressée au chef de la bande rivale.

Les soupçons de partialité se vérifient : le 17 février, Jean-Noël Etcheverry se présente seul devant les policiers dans le cadre d’une enquête pour « vol aggravé ». Faut-il y voir une mesure d’absolution consécutive aux excuses « les plus sincères » que Stuart Gulliver, directeur général de HSBC, a présentées deux jours plus tôt à ses clients par voie de presse ? Toujours est-il que Bizi, estimant que la contrition ne valait pas remboursement des 2,5 milliards d’euros, engage un bras de fer. Brandissant le Livre noir des banques  [^2], Etcheverry refuse de répondre à la police, réservant ses explications au juge.

Le lendemain, l’autorité judiciaire fait irruption chez Bizi et récupère trois sièges. Prudents, les militants avaient organisé l’évasion hors territoire basque du reste du mobilier, lequel a transité jusqu’en région parisienne par le jeu d’un réseau de complicité bien articulé. Prenant à contre-pied les pratiques opaques de la banque, ils révèlent que les cinq sièges manquants se trouvent dans les locaux d’Attac, des Amis de la Terre, de Solidaires finances publiques ainsi que chez Patrick Viveret, président du mouvement Sol. Stratégie risquée : la police informe que « toute association qui accepterait de recevoir ces sièges se rendrait coupable de recel de vol aggravé ». Qu’à cela ne tienne, la plateforme Paradis fiscaux et judiciaires justifie l’action de Bizi, « qui exprime publiquement la colère des contribuables français à l’encontre des fraudeurs », relevant « qu’en dépit des multiples scandales (McDonald’s, Amazon, Apple, Starbucks, Google…), aucune grande entreprise n’a eu à répondre récemment de ses montages fiscaux devant la justice française ». Le 17 mars, encore une convocation pour six militants de Bizi, dans le but notamment de prélever leur ADN. Ils se braquent : rien à cacher, le larcin s’est déroulé en plein jour et à visage découvert, l’association en a même diffusé gracieusement des photos. Et cette immuable revendication de réciprocité : a-t-on cherché à collecter l’ADN des Gulliver et consorts ?

Six semaines après l’enlèvement des sièges, le zèle policier devient franchement ostentatoire – sur ordre « d’en haut » ? Car deux militants (dont Etcheverry, troisième visite) sont de nouveau convoqués par la police le 31 mars. Il faut dire que Bizi persiste dans son persiflage. « L’évasion fiscale coûte mille milliards d’euros par an aux recettes publiques européennes, rappelle Mattin Ihidope, complice du paisible “casse”. De quoi largement financer une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique, pour la transition écologique et sociale, avec des millions d’emplois à la clé… »

[^2]: Coécrit par Attac et Basta (LLL).

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