« Love » et la censure d’État (« À flux détendu »)

Fleur Pellerin vient en effet de demander à la commission de classification des films d’interdire Love , de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans.

Christophe Kantcheff  • 1 juillet 2015
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« Love » et la censure d’État (« À flux détendu »)

Alors Love , de Gaspar Noé, porno or not porno ? Quoi qu’il en soit, Vincent Maraval, le directeur de la société distributrice du film, en salle le 15 juillet, est très colère. Dans une série de tweets, il s’en est violemment pris à la ministre de la Culture : « Fleur Pellerin a tranché, a-t-il écrit le 26 juin, l’accès libre et sans restriction du porno hard où la femme n’est qu’un bout de viande sur Internet, oui. Love, non. » Et d’ajouter : « Nos ados sont donc condamnés à découvrir le sexe sur Internet à travers des athlètes bodybuildés tatoués et rasés qui se croient aux JO. » Si Vincent Maraval est habile dans le maniement du buzz, son courroux n’a rien d’injustifié. Fleur Pellerin vient en effet de demander à la commission de classification des films, qui avait assorti Love d’une interdiction aux moins de 16 ans (avec avertissement) de le revisionner pour obtenir d’elle un moins de 18. Cette commission n’a pourtant rien d’un rassemblement de beatniks dégénérés. Placée sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée, présidée par un conseiller d’État, on y trouve des représentants de ministères, dont ceux de la Santé et de la Famille, alors que les professionnels sont très minoritaires. Ordinairement, le ministère de la Culture suit ses avis sans barguigner. Quelle mouche a piqué Fleur Pellerin ? L’association d’extrême droite Promouvoir ! Qui a obtenu il y a quelques semaines du Conseil d’État le retrait du visa d’exploitation d’un film gore pour ados, Saw 3D, sorti cinq ans plus tôt, et s’est attaquée avec succès par le passé à d’autres films, comme Nymphomaniac, de Lars Von Trier. Dans un communiqué, l’Observatoire de la liberté de création appelle Fleur Pellerin à respecter l’avis de la commission, sinon elle « deviendrait la nouvelle ministre de la Culture, de la Communication et de la Censure d’État ». Sans parler de sa promotion du « porno hard » avec « bouts de viande ».

Nota Bene (actualisation du 2 juillet) : la commission de classification des films, qui s’est à nouveau réunie le 30 juin pour statuer une seconde fois sur Love , a confirmé son premier avis. Bravant les desiderata de la ministre, elle a donc assorti le film de Gaspar Noé d’une interdiction aux moins de 16 ans, un avis que Fleur Pellerin, cette fois-ci, a dû suivre.L’association Promouvoir, par la voix de son président, le mégrétriste André Bonnet, avait annoncé qu’elle agirait en justice si Love n’était pas classé moins de 18 ans.

Culture
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