Le magma nu

Avec Temporary Title, 2015, le chorégraphe Xavier Le Roy propose au public de prendre part à un étonnant work in progress organique.

Jérôme Provençal  • 14 septembre 2016 abonné·es
Le magma nu
© Photo : Peter Greig

Apparu dans le champ de la danse contemporaine au tout début des années 1990, Xavier Le Roy fait partie – aux côtés, entre autres, de Boris Charmatz, Emmanuelle Huynh, Christian Rizzo, Myriam Gourfink, Alain Buffard et Jérôme Bel – de cette génération de chorégraphes qui a fait souffler un vent puissant de renouveau sur la scène française. Titulaire d’une thèse en biologie moléculaire, il évoque un laborantin lunaire, à la silhouette longiligne d’éternel jeune homme, n’ayant de cesse d’expérimenter au fil d’un parcours éminemment atypique, marqué par le sens de la créativité ludique autant que par le goût de la recherche scientifique. Self Unfinished (1998), Product of Circumstances (1999), Giszelle (2001) et Le Sacre du printemps (2007) figurent parmi ses pièces-prototypes les plus emblématiques.

Depuis quelques années, Xavier Le Roy investit régulièrement des lieux d’exposition pour y concevoir des projets hors format – quelque part entre installation, danse et performance – impliquant souvent une participation active du spectateur. Présenté au Centre Pompidou dans le cadre du Festival d’automne, Temporary Title, 2015 s’inscrit pleinement dans cette démarche. Élaborée avec la collaboration de la danseuse/­chorégraphe hongkongaise ­Scarlet Yu, cette création – qui reprend en les remodelant des matériaux utilisés dans Low Pieces (2011) – prend la forme d’une exposition en mouvement(s), au contenu et aux contours continûment changeants. Entrant, se déplaçant et sortant à leur guise, les visiteurs/spectateurs découvrent ainsi une œuvre pour le moins étonnante.

Celle-ci se compose en effet des corps de 18 interprètes, hommes et femmes (dont Xavier Le Roy et Scarlet Yu eux-mêmes), tous aussi nus qu’au jour de leur naissance. Tous ces corps se mêlent et se démêlent, se rapprochent et se décrochent, s’isolent ou s’agglomèrent, générant des formes variables (animales, végétales, minérales…), pas toujours identifiables, au gré de leurs évolutions dans la salle d’exposition. Parfois, l’un(e) des interprètes s’extrait du corps commun et, abandonnant le geste pour la parole, s’attache à nouer un dialogue intime avec l’un ou plusieurs des visiteurs/spectateurs. Intégré en douceur – chacun restant évidemment libre de participer ou pas –, le public intervient ainsi comme un élément actif tout au long de ce très singulier work in progress organique et collectif.

Temporary Title, 2015, du 15 au 19 septembre au Centre Pompidou, Paris Ier, 01 44 78 12 33.

Spectacle vivant
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