Cambadélis fait les gros yeux aux « macronistes »

Les sanctions contre les élus socialistes tentés par Emmanuel Macron, annoncées en bureau national par le patron du PS, n’auront qu’une portée limitée. Explications.

Michel Soudais  • 7 avril 2017 abonné·es
Cambadélis fait les gros yeux aux « macronistes »
© Photo : YANN KORBI / Citizenside

Sommé par les proches de Benoît Hamon de réagir aux prises de position de nombreux élus socialistes en faveur d’Emmanuel Macron, Jean-Christophe Cambadélis a présenté, jeudi 6 avril, aux membres du bureau national du PS, un éventail de sanctions sous la forme de « cinq décisions » non soumises au vote. L’équipe de campagne du candidat a paru s’en satisfaire, soucieuse de ne pas « feuilletonner » davantage le sujet des investitures « après le feuilleton des ralliements » à En marche ! Ces décisions mi-chèvre mi-chou sont toutefois à l’image d’un parti qui a renoncé depuis longtemps à trancher entre deux orientations politiques divergentes. Nous les présentons ci-dessous en évaluant pour chacune d’elle sa portée réelle :

1. J’appelle à l’unité des socialistes derrière le candidat issu de la Primaire et validé par la convention nationale : Benoît Hamon ;

C’est bien le moins que pouvait faire le patron du PS. Les termes en sont toutefois plus nets que dans sa lettre aux socialistes du 29 mars, écrite après l’annonce par Manuel Valls de sa décision de voter Emmanuel Macron le 23 avril. M. Cambadélis se contentait alors d’appeler « tous les socialistes au calme, au respect de leurs principes et de leur cohérence pour une gauche qui gouverne et qui transforme ».

2. Je retire le statut de membre du Bureau national à tous ceux qui ont soutenu ou appellent à voter Emmanuel Macron. Ils seront remplacés ;

Qui est concerné ? Cette décision vise six membres de cette instance qui en compte 73 : Malek Boutih, Christophe Caresche, Gérard Collomb, Frédéric Cuvillier, Daniel Vaillant et Jean-David Ciot.

Un engagement formel à double tranchant. Il est d’abord étonnant de voir le Premier secrétaire interdire ce qui est déjà prohibé dans les statuts. Conditionner l’investiture à la signature d’un engagement n’a jamais été une contrainte pour les socialistes. Si l’exemple de Manuel Valls est encore dans tous les esprits, rappelons que tous les candidats du PS aux législatives de 2012 s’étaient engagés à ne pas cumuler leur mandat de député avec celui d’un exécutif local ; tous, loin s’en faut, n’ont pas respecté leur promesse.

3. J’interdis toute double appartenance conformément aux statuts. Aux élections législatives, une signature d’engagement d’affiliation au groupe socialiste sera requise. En cas de refus, un candidat socialiste sera désigné ;

Cet engagement pourrait en revanche se retourner contre les députés « hamonistes » si d’aventure ils n’étaient pas majoritaires dans le futur groupe et que celui-ci décidait, comme les vallsistes en ont formulé le projet, de s’inscrire dans la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron en cas où ce dernier serait élu à l’Élysée.

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Qui est concerné ? Parmi les 30 députés ayant apporté leur parrainage à Emmanuel Macron, 14 sont officiellement investis pour les législatives par le PS depuis la convention du 17 décembre et devraient donc se voir retirer leur investiture. Il s’agit de Richard Ferrand (Finistère, 6e circ.), secrétaire général de En marche !, Christophe Castaner (Alpes-de-Haute-Provence, 2e circ.), porte-parole du candidat Emmanuel Macron pour la campagne. Mais aussi de René Dosière (Aisne, 1ère circonscription), , Alain Calmette (Cantal, 1ère circ.), Corinne Erhel (Côtes-d’Armor, 5e circ.), Jean-Louis Destans (Eure, 2e circ.), Patrick Vignal (Hérault, 9e circ.), Monique Orphe (La Réunion, 6e circ.), Sophie Errante (Loire-Atlantique, 10e circ.), Yves Daniel (Loire-Atlantique, 6e circ.), Stéphane Travert (Manche, 3e circ.), Jacques Cresta (Pyrénées-Orientales, 1ère circ.), Jean-Louis Touraine (Rhône, 3e circ.), Jean-Jacques Bridey (Val-de-Marne, 7e circ.).

4. Je retire l’investiture à ceux qui ont adhéré à en « En Marche » ou parrainé un autre candidat que Benoît Hamon et, s’ils se maintenaient face aux candidats soutenus par le Parti socialiste, ils seraient exclus ;

Concernés également par cette décision trois candidats investis qui, n’étant pas députés, ont parrainé Emmanuel Macron au titre d’un autre mandat : Olivier Véran (Isère, 1ere circ.), Hubert Julien-Laferrière (Rhône, 2e circ.), Anne Brugnera (Rhône, 4e circ.)

Parmi les 30 députés qui ont parrainé Emmanuel Macron, six n’avaient pas encore décidé, en décembre, s’ils se représentaient ; dans l’attente de cette décision, leur circonscription n’avait pas été pourvue. Il s’agit de François Loncle (Eure, 4e circ.), Arnaud Leroy (Français de l’étranger, 5e circ.), Florent Boudié (Gironde, 5e circ.), Jean-Louis Gagnaire (Loire, 2e circ.), Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle, 6e circ.), Jean-Yves Caullet (Yonne, 2e circ.). Un autre, Christian Bataille (Nord, 12e circ.), souhaitait briguer un septième mandat mais n’avait pas été investi. Il a perdu toute chance de l’être.

Logiquement, cette décision devrait également s’appliquer aux 13 sénateurs, parrains d’Emmanuel Macron, dont le mandat est renouvelable en septembre prochain s’ils décident de se représenter : Jean-Jacques Filleul (Indre-et-Loire), Maurice Vincent (Loire), Gérard Miquel (Lot), Alain Bertrand (Lozère), Daniel Raoul (Maire-et-Loire), Jean-Pierre Masseret (Moselle), Anne Emery-Dumas (Nièvre), Delphine Bataille (Nord), Yves Rome (Oise), Bariza Khiari (Paris), Nicole Bricq (Seine-et-Marne), Michel Berson (Essonne), Jacques Cornano ( Guadeloupe).

Limites de cette décision. Ne sont pas concernés les candidats aux législatives qui se sont contentés d’annoncer publiquement (ou vont annoncer) qu’ils voteront Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle. Nous en avons recensé au moins sept : Pascal Terrasse (Ardèche, 1ere circ.), Jean-David Ciot (Bouches-du-Rhône, 14e circ.), François André (Ille-et-Vilaine, 3e circ.), Hugues Fourage (Vendée, 5e circ.), Malek Boutih (Essonne, 10e circ.), Philippe Doucet (Val-d’Oise, 5e circ.), Dominique Lefebvre (Val-d’Oise, 10e circ.). L’ancien Premier ministre, Manuel Valls, qui n’a pas encore annoncé formellement s’il se représentait dans sa circonscription de l’Essonne, tout comme l’ancien ministre Frédéric Cuvillier, député-maire de Boulogne-sur-Mer, ne tomberaient pas non sous le coup de cette décision.

5. Je demande à la Commission nationale des conflits (CNC) de se saisir des cas de ceux qui appellent à voter pour un autre candidat que celui issu de la Primaire.

Qui est concerné ? Potentiellement beaucoup de monde. Un site Internet « socialistes avec Macron » recense un peu plus de six cents élus de gauche (députés, sénateurs, conseillers régionaux et départementaux, maires de communes de plus de 1 000 habitants) ayant parrainé, annoncé ou appelé à voter pour le candidat d’En Marche ! Dans cette liste, soustraction faite des radicaux de gauche et divers gauche, on trouve pas moins de trois cents socialistes. Mais les termes ont leur importance : il existe une nuance entre le fait de faire connaître son vote pour Macron au premier tour et celui d’« appeler à voter » pour lui.

Limites de cette demande. La Commission des conflits, qui peut décider une suspension, exclusion ou autre réprimande, est « maître de son calendrier », a rappelé Corinne Narassiguin, la porte-parole du PS. Rien ne l’oblige donc à statuer d’ici au 23 avril. Compte tenu de la lenteur avec laquelle elle instruit ordinairement les conflits qui lui sont soumis, il est tout à fait envisageable qu’elle ne prononce aucune sanction d’ici aux législatives, hormis un rappel général des statuts et règles éthiques qui régissent le PS. Elle n’est en outre pas compétente en matière d’investitures pour les législatives.

Conclusion

Un élu PS ayant affiché son soutien à Emmanuel Macron pourra donc conserver son investiture pour l’heure. Les sanctions décidées par Jean-Christophe Cambadélis se contentent de faire quelques exemples. Autant pour calmer l’irritation des pro-Hamon que pour ménager l’avenir du PS sous une présidence Macron.

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