Mal-logement : les classes moyennes aussi dans la galère

La difficulté de payer son loyer ou de trouver un logement est loin de ne toucher que les plus précaires. Même ceux qui ont un emploi stable et un salaire correct se retrouvent parfois dans des situations inextricables.

Maïa Courtois  • 8 juin 2017 abonné·es
Mal-logement : les classes moyennes aussi dans la galère
© Photo : MIGUEL MEDINA / AFP

Professeure des écoles depuis douze ans, Émilie va être obligée de quitter son logement à la fin de ce mois de juin… sans aucune alternative pour se reloger. Mère célibataire avec trois enfants, elle louait un appartement de 70 m2 dans une commune au nord de Paris, pour 1 600 euros par mois. Sa propriétaire l’a informée de sa volonté de vendre, lui laissant un délai de huit mois pour partir. Son témoignage, recueilli par le Plus de L’Obs, est « une goutte dans la mer. Je sais qu’on est des centaines, des milliers dans la même situation ». Mais il prouve que même pour ceux qui ont un emploi et des revenus stables, tout peut basculer très vite.

Émilie n’a trouvé aucune solution du côté du parc social, partout saturé. D’après le rapport 2017 sur le mal-logement de la Fondation Abbé-Pierre, en 2015, près de 70 % des demandeurs de HLM n’ont pas obtenu de réponse positive. Cette pression de la demande « conduit les propriétaires à demander un nombre de garanties croissant », explique Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Émilie a ainsi vite déchanté devant le nombre d’agences immobilières précisant dans leurs annonces « qu’il faut expressément gagner trois fois le montant du loyer pour espérer que la candidature soit recevable. Moyennant quoi, je n’ai jamais rien pu visiter. Mes demandes sont restées sans réponse. »

D’après Christophe Robert, la situation d’Émilie est « malheureusement assez classique. Le fait d’avoir un emploi ne protège plus. Les années 2000 sont marquées par une forte augmentation du prix des loyers, en même temps qu’une précarisation croissante ». D’après le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, 12 millions de personnes sont touchées par la crise du logement. Près de 6 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leurs revenus à leurs dépenses de logement. « Cette augmentation notable du budget dédié au logement se manifeste par des privations en ce qui concerne le chauffage, l’habillement, la nourriture, la taille de l’appartement… », liste Christophe Robert. « Ou par des situations où l’on se retrouve sans domicile fixe. »

Manque cruel de volonté politique

Le quinquennat Hollande n’aura pas tenu ses promesses sur le plan du mal-logement. Dès février 2012, la Fondation Abbé-Pierre avait signé avec le futur président de la République un « contrat social pour une nouvelle politique du logement ». Y figurait l’engagement de créer 150 000 logements sociaux par an. Mais sur trois années, de 2013 à 2015, seuls 330 000 HLM ont été financés, au lieu des 450 000 escomptés. Le contrat social prévoyait aussi l’encadrement des loyers, effort soutenu un temps par le ministère du Logement de Cécile Duflot, avec la loi Alur de 2014. Mais une fois nommé, le Premier ministre Manuel Valls s’est plié aux protestations des lobbys de l’immobilier, a détricoté les projets de réforme et réduit la loi Alur à une simple « expérimentation » parisienne.

Aujourd’hui, Émilie a l’impression d’avoir utilisé toutes les possibilités, et va se retrouver sans domicile fixe. « Mes meubles vont partir au garde-meubles. Mes enfants vont retourner chez leur père, et moi aussi, une semaine sur deux. […] Les semaines où je ne serai pas chez lui avec les enfants, j’irai dormir chez des amis. » L’hébergement forcé chez un tiers est bien, selon Christophe Robert, « une situation invisible, mais en constante augmentation ». Émilie s’interroge : « Je suis fonctionnaire, j’ai un salaire qui tombe tous les mois, un réseau de connaissances locales, et pourtant ça ne marche pas. Si ça ne marche pas pour moi, comment font les autres ? »

Difficile d’avoir espoir dans ce que pourra apporter le nouveau gouvernement Macron, dont on notera l’absence de ministère du logement – intégré à celui de la Cohésion des territoires. La Fondation Abbé-Pierre s’est rendue au ministère de Richard Ferrand mardi dernier, mais pour le moment, la feuille de route est pour le moins floue : « Nous n’avons pas reçu d’informations précises concernant leurs moyens financiers ou leurs ambitions en termes de logements sociaux. »

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