Matin blême chez France Culture

Alain Finkielkraut a – encore – reçu son excellent « ami » Renaud Camus.

Sébastien Fontenelle  • 28 juin 2017 abonné·es
Matin blême chez France Culture
© photo : ERIC FEFERBERG / AFP

Toutes les semaines, Alain Finkielkraut, « philosophe » râpeux, anime, sur France Culture – qui est comme on sait une radio étatique, financée donc par de l’argent public –, une émission de « conversations », où des hôtes soigneusement trié(e)s débattent de thèmes un peu essentiels, comme l’identité française, ou l’immigration, ou l’identité française, ou l’islam – ou, des fois : l’identité française [1].

Depuis quelques ans, d’éminents représentants de l’extrême droite qui pense qu’elle pense ont défilé devant ce comptoir : nous parlons ici de ces mecs, tu sais, qui se prennent pour des logiciens depuis que l’époque admet leurs vilenies, et qui, plutôt que de ratonner à l’ancienne, préfèrent déclamer doctement qu’ils en ont carrément ras le béret de tou(te)s ces Arabes et tou(te)s ces Noir(e)s (liste non exhaustive) qui couvrent jusqu’à des centaines de milliers de kilomètres pour venir construire des mosquées pile devant leurs longères, et qu’il faudrait peut-être songer, maintenant, à se bétonner la frontière contre ces envahisseurs – et en quoi ça serait raciste de dire ça, hein ? En quoi ?

Cette semaine, par exemple, Finkielkraut a – encore – reçu son excellent « ami » Renaud Camus [2], qui « a forgé une expression qu’on entend tout le temps et partout : le “grand remplacement” », mais « qu’on n’entend plus et ne voit plus nulle part », et à qui il voulait absolument poser, quant à lui, cette importante question : « Qu’est-ce donc que le grand remplacement, Renaud Camus ? »

Et bien sûr : Finkielkraut sait parfaitement ce que signifie cette expression dégueulasse [3], dont il fait mine ici de ne pas comprendre la teneur. Il sait par exemple fort bien que son pote Camus a été condamné, en 2014, pour « provocation à la haine et à la violence » – après avoir publiquement tenu, quelques années plus tôt, des propos qui, selon le tribunal, présentaient, « sans mesure ni réserve autre que de pure forme », les musulmans « comme des guerriers envahisseurs dont le seul objectif est la destruction et le remplacement [4] du peuple français et de sa civilisation par l’islam » [5].

Et il sait, de même, que c’est pour cette raison précise qu’hors des coteries fétides où l’ultradroite cuit son fanatisme, on « n’entend » et « ne voit » plus tellement l’auteur de ces diatribes : parce que tout le monde a fini par mesurer que son exaltation était décidément trop tapageuse.

Sauf l’amical « philosophe » qui décidément se plaît à lui faire cracher son venin – mais il est vrai aussi que « Finkie » aurait tort de se gêner, puisque personne, chez France Culture, ne semble s’offusquer de ce qu’il offre gîte et micro à des prêcheurs de haine.

[1] Je schématise un chouïa, mais guère.

[2] Le même Camus qui, au tout début des années 2000, avait publiquement déploré qu’il y eût, à de certains moments, tant d’animateurs juifs à l’antenne de… France Culture – qu’est-ce que c’est que tous ces juifs, bordel –, et au secours de qui le même Finkielkraut, qui le tient pour « un interlocuteur capital », s’était déjà précipité, en criant que non, ce comptage n’était pas du tout antisémite, qu’est-ce que vous allez encore imaginer ?

[3] En avril 2014, il déclarait, dans la très droitière Revue des deux mondes : « [Renaud Camus] conceptualise trop violemment la réalité qui survient. Je ne parle pas comme lui de “changement de peuple” ou de “grand remplacement” car ces notions engloutissent les individus et occultent la variété des situations. »

[4] C’est moi qui souligne.

[5] Le Monde, 10 avril 2014.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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