Le pays qui tuait ses enfants

Emma Gonzalez, survivante de la tuerie du lycée de Parkland, aux États-Unis, le 14 février, a annoncé le combat de sa génération : contre la vente libre des armes à feu.

Pouria Amirshahi  • 21 février 2018
Partager :
Le pays qui tuait ses enfants
© photo : RHONA WISE / AFP

Avec le mouvement féministe, voilà peut-être que s’ouvre le deuxième front anti-Trump. Emma Gonzalez, survivante de la tuerie du lycée de Parkland, aux États-Unis, le 14 février, a pris la parole devant toutes les caméras. Elle a annoncé le combat de sa génération : contre la vente libre des armes à feu. Cette fois, c’est la révolte des victimes qui se fait directement entendre et non un film-documentaire (on se souvient du fameux Bowling for Columbine, de Michael Moore, en 2002) ou une « voix civilisée d’Europe » (par exemple, un petit chroniqueur français). Pour l’heure, on s’interroge : Emma Gonzalez n’est-elle qu’un cri de colère hurlé un lendemain de deuil et de souffrances ou la première pierre d’une autre Amérique, plus grande ?

Chaque année, 20 000 personnes sont tuées par arme à feu aux États-Unis. Et les blessés y sont quatre fois plus nombreux.

L’entrelacs d’intérêts est tel qu’il est presque impensable de défier la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des marchands et autres usagers d’armes : 13 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour les fabricants, 3 milliards pour les commerçants et 30 % de ménages « équipés »…

Évidemment, tuer est là-bas interdit, même si au principe de légitime défense s’ajoute celui de l’autodéfense, lequel « excuse » plus aisément les assassins de circonstances. Mais il y aurait tout de même moins de morts si les ventes d’armes n’étaient pas autorisées. C’est tout simplement, et donc puissamment, ce qu’a asséné Emma Gonzalez dans son discours. Que cette évidence soit combattue par les marchands d’armes – et les politiciens qu’ils corrompent en finançant leurs campagnes électorales – est somme toute logique : ce sont des salauds et nous le savions déjà. À l’école du cynisme, les marchands de mort sont rois. Ainsi, lors du désormais traditionnel « Black Friday » (journée annuelle de soldes massives sur Internet), cet hiver, les ventes d’armes ont battu tous les records. Bien « noir, le vendredi », en effet… Deux jours après la tuerie du lycée de Floride (17 morts), une des enseignes morbides a même proposé 10 % de réduction sur le prix de… l’équipement qui avait précisément permis de tirer plusieurs centaines de cartouches à la minute. Code promotionnel : MAGA. Soit « Make America Great Again ». Ça vous dit quelque chose ?

Difficile de croire que ce pays (re)deviendra grand en laissant tuer ses enfants. Alors vive leur révolte.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don