Leçons corses

L’exécutif prend de sérieux risques à ne pas saisir le moment politique corse pour, enfin, poser les bases d’un développement partagé de l’île.

Pouria Amirshahi  • 4 juillet 2018
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Leçons corses
photo : Gilles Simeoni.
© GERARD JULIEN / AFP

Talamoni ne s’est pas rendu à Matignon, Simeoni (en photo) y est allé. La partition bien huilée entre nationalistes est respectée : l’indépendantiste boude, l’autonomiste cause. Les sujets ne manquent pas et, à ce jour, les points d’accord sont rares, sauf peut-être sur le statut fiscal de l’île et l’inscription légitime de la Corse dans la Constitution. Pour le reste, le cycle de rencontres entre le gouvernement et les autorités locales, inauguré lundi 2 juillet, et la révision constitutionnelle, qui débute le 10, fixeront les termes d’un compromis. Ou pas.

Pour l’heure, l’exécutif et sa majorité prennent de sérieux risques à ne pas saisir le moment politique corse pour, enfin, poser les bases d’un développement partagé de l’île. Les trois dernières – et incontestables – victoires électorales de la coalition nationaliste (territoriales en 2015 et 2017, législatives en juin 2017) étaient pourtant signifiantes : d’abord le choix définitif d’une démarche strictement démocratique et électorale ; ensuite un dialogue public assumé avec Paris ; enfin, des propositions d’autonomie (très) avancée qui, certes, sont discutables sur certains points, mais montraient que le centre de gravité de la coalition se situe plus du côté des autonomistes que des indépendantistes. Jean-Guy Talamoni a d’ailleurs parfaitement compris cette aspiration légaliste et dialoguiste des citoyens de Corse en acceptant le leadership de Gilles Simeoni. Au fond, en choisissant de s’impliquer pleinement dans la réforme constitutionnelle, les nationalistes corses font le choix de la paix civile et de l’inclusion. Difficile dans ces conditions de refuser la main tendue.

Pourtant, malgré quelques gouttes d’eau dans leur vin, l’Élysée et Matignon campent sur des positions absurdes de « fermeté » dès qu’il s’agit de la Corse. Absurdes et parfois indignes. Dernier épisode en date : la candidature des autorités territoriales insulaires à l’accueil des convois humanitaires de migrants en Méditerranée (l’Aquarius puis le Lifeline). Une message doublement audacieux : à l’adresse d’un gouvernement totalement « collombisé » sur les questions migratoires d’abord ; en direction des racistes et xénophobes corses ensuite. Christophe Castaner n’a pas eu honte de rétorquer, pour seule réponse, que l’accueil des migrants est « l’affaire de l’État ». Qui d’ailleurs ne les accueille pas.

Pendant que les gouvernants se figent à Paris, les responsables politiques corses adressent une véritable leçon d’intelligence politique. Qui pour saisir la balle au bond, avant qu’elle ne retombe ?

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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