Trente ans d’antiterrorisme français
Diffusé ce mardi 13 novembre, « Histoire secrète du l’antiterrorisme », documentaire de Patrick Rotman et Vincent Nouzille, livre les trente dernières années d’une France en proie aux attentats.
H istoire secrète », dit le titre. Pas tant que ça puisqu’elle se décline ici sur deux heures et demi. En quoi serait-elle « secrète », sachant que les intervenants du film disent ce qu’ils veulent bien dire ? Au reste, on aura remarqué ces dernières années le nombre de livres documents et films documentaires marqués par cette estampille galvaudée : secret de ceci, secret de cela.
Il n’empêche, ce documentaire de Patrick Rotman et Vincent Nouzille est intéressant à plus d’un titre. Historiquement d’abord. En partant de l’attentat de la rue de Rosiers, le 9 août 1982, causant la mort de six personnes. Cet attentant marque l’irruption d’un terrorisme de grande ampleur contre la France. Jean-Louis Bruguière, alors à peine âgé de 40 ans, est chargé du dossier. « En matière de police scientifique, observe-t-il a posteriori, face caméra, on n’avait pas la discipline qu’on a aujourd’hui. »
À cette époque, ni l’appareil policier, ni l’arsenal juridique ne sont prêts à lutter efficacement contre les attentats. L’enquête est alors confiée à la brigade criminelle. La Syrie sera vite désignée. Le préfet Yves Bonnet crée une division antiterroriste d’une trentaine de personnes. Les moyens sont faibles, avec quatre voitures pour tout le service. Suivra l’attentat de Beyrouth le 23 octobre 1983, visant Américains et Français. Quand Kauffmann et Seurat sont pris en otage, la DST, à peine plongée dans les arcanes de la géopolitique, patauge. D’autres attentats touchent la France, en décembre 1985, en février, mars et septembre 1986. C’est seulement à ce moment que la lutte antiterroriste se met en place, avec une loi pour centraliser les instructions.
Les années 1990 sont marquées par le GIA, l’attentat du RER parisien à la station Saint-Michel, Khaled Kelkal, l’émergence d’Al-Qaida. Plus tard, ce sera l’État islamique et les djihadistes… En passant par le 11 septembre, Mohamed Merah etc. S’étirant qu’en 2018, Histoire secrète de l’antiterrorisme retrace ainsi une trentaine d’années d’histoire contemporaine. Avec sa foule d’acteurs : Alain Marsaud, Bernard Squarcini, Jean-Louis Bruguière, Roger Marion, Denis Favier, Jean-François Clair, Pierre Brochand, François Mollins, Jean-François Ricard et Marc Trevidic (sans conteste le plus intéressant dans cette galerie de confesseurs, parce que sans concession sur le système, cinglant les années Sarkozy et le manque de moyens et d’effectifs alors pour faire remonter les renseignements).
Tous s’expriment sobrement, sans artifice devant la caméra, entrelardant les images d’archives. Où l’on observe des services en concurrence (DST, DGSE, RG, DCPJ), une impossible unification, une multiplication des dysfonctionnements. Où l’on observe encore que le démantèlement des RG, imposé par Nicolas Sarkozy pour des raisons budgétaires, se révèlera crucial. Éclairage pédagogique, exhaustif, sans doute, sur l’antiterrorisme pour le grand public (le choix de la programmation, en ce jour de la commémoration des attentats à Paris, n’est pas un hasard). Mais qui ignore ses effets pervers, entre l’état d’urgence et les lois réduisant les libertés fondamentales. En 150 minutes, il y avait pourtant la place.
Histoire secrète de l’antiterrorisme, ce mardi 13 novembre, à 21h05, sur France 2 (2h30). Et en replay jusqu’au 20 novembre sur le site de France 2.
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