Quand le vert se mêle au jaune

Les écolos rejoignent les opposants aux hausses de taxes sur l’urgence des changements et une nécessaire justice sociale.

Vanina Delmas  • 12 décembre 2018 abonné·es
Quand le vert se mêle au jaune
© photo : À la marche pour le climat de Paris, le 8 décembre.crédit : Didier Bizet/Hans Lucas/AFP

La marche mondiale pour le climat du 8 décembre a revêtu un costume spécial dans plusieurs villes françaises. Au milieu des ours polaires et des orangs-outans en peluche, des coquelicots et des marguerites en carton, des gilets jaunes apparaissaient comme de nouvelles alertes lumineuses. Les slogans habituels – « On est plus chauds que le climat ! » ou « Des petits pas, des petits pas, toujours des petits pas » sur un air bien connu de Serge Gainsbourg – côtoyaient ceux associant les gilets jaunes et la justice sociale : « Gilets jaunes, gilets verts, on n’est pas des adversaires ! » ou « Gilets jaunes, gilets verts, on ne va pas se laisser faire ». Pas la même couleur, mais la même urgence.

Cette convergence n’avait rien d’une évidence, le 17 novembre, lors de l’« acte I » des gilets jaunes. Le motif originel de la colère avait braqué certains écologistes, qui ne pouvaient pas être aussi radicaux sur la hausse des prix du carburant. Mais il fallait comprendre que c’était la taxe de trop. L’arnaque de la fiscalité écologique devenant « une simple ponction dont on ajuste le rendement en fonction d’objectifs autres qu’écologiques », comme la décrivait Nicolas Garnier, de l’association Amorce, dans Politis (1), n’a dupé ni les gilets jaunes ni les ONG environnementales.

Même chose pour la décision du gouvernement de supprimer du budget 2019 la hausse des taxes sur le carburant : de nombreux gilets jaunes ont considéré cette annonce comme une mesure « pour endormir le monde » et des ONG ont dénoncé ce renoncement à l’écologie. « Faire porter le chapeau à la taxation des carburants, c’est apporter une réponse non seulement très superficielle, mais aussi de très courte vue. Car reculer encore sur les politiques climatiques, c’est faire le lit d’injustices sociales plus criantes encore », assène le Réseau action climat, qui défend la mise en place de mesures d’accompagnement pour les populations ne pouvant pas assumer cette hausse de la fiscalité.

Que ce soit à Lyon, Marseille, Bordeaux ou Paris, le 8 décembre a vu une timide jonction entre les cortèges de manifestants jaunes et verts. Un premier pas. Thierry Kuhn, directeur d’Emmaüs France, a pris la parole à l’arrivée place de la République, à Paris. « Nous disons depuis des années que la justice sociale et la justice climatique sont les mêmes combats ! » clame-t-il avant de rappeler qu’une coalition de 80 associations avait lancé un appel des solidarités en mars 2017, lors de la campagne présidentielle. Leurs cinq caps intégraient aussi bien la lutte contre les inégalités et l’évasion fiscale que celle pour protéger le climat, les sols, la biodiversité, etc. « Quelques mois plus tard, Macron supprimait l’impôt sur la fortune (ISF) et baissait les APL ! Aujourd’hui, il veut faire payer les plus pauvres pour cette transition écologique urgente et nécessaire. C’est un message catastrophique ! »

Cyril Dion, militant écologiste et réalisateur du film Demain, a clairement appelé à la solidarité avec les gilets jaunes. « Ils nous montrent que nous avons besoin d’aller à la confrontation, même si elle est pacifique ! On pourrait s’entendre sur plusieurs sujets : un référendum d’initiative citoyenne, un revenu universel, une vraie taxe sur les transactions financières, une taxe sur les gros pollueurs… » énumère-t-il.

Fidèle aux sibyllines formulations macroniennes et aux amalgames, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait « invité » les organisateurs des marches pour le climat « à ne pas vouloir maintenir cette manifestation », dans un souci de maintien d’ordre public, si celles-ci devaient croiser les gilets jaunes. Les défilés criant – une fois encore – l’urgence climatique sont restés festifs et pacifiques. « Le mouvement citoyen pour la justice climatique a démontré sa volonté de rester mobilisé dans la rue contre des politiques libérales et productivistes qui nous conduisent dans le mur. L’écologie de marché d’Emmanuel Macron, injuste et inefficace, est désavouée. Ne pas changer de cap serait une folie : les politiques menées contre la “fin du monde” doivent améliorer les “fins de mois” du plus grand nombre », a constaté Maxime Combes, porte-parole d’Attac sur les questions climatiques dans un communiqué de presse. Sur la statue de la place de la République à Paris est accrochée une reproduction du tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple. Sur cette version, Marianne porte un gilet jaune.

(1) N° 1527, 15 novembre.

Écologie
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