Référendum ADP : vers le million et au-delà ?

À la Fête de l’Humanité, ce week-end, les forces politiques et syndicales ont relancé la campagne pour le RIP sur ADP. Un combat qui s’annonce ardu.

Matthias Hardoy  • 16 septembre 2019
Partager :
Référendum ADP : vers le million et au-delà ?
© Crédit photos : Michel Soudais

Le référendum d’initiative partagé ( RIP) sur la privatisation d’Aéroports de Paris était partout au parc de La Courneuve cette année. Sur des tee-shirts et des stickers ornés du slogan « Moi j’ai signé et toi ? » Mais surtout dans de très nombreux stands où des militants recueillaient sur papier (via des formulaires Cerfa), sur des tablettes et même sur des bornes prévus à cet effet, les soutiens à la fameuse proposition de loi référendaire. Les 4 717 396 signatures nécessaires semblent encore très loin – à la date du 11 septembre, le Conseil constitutionnel en avait enregistré 761 000 – mais dans les nombreux débats consacrés à la question, on ne voulait pas céder au pessimisme.

À lire aussi >> Le référendum ADP cherche à redécoller

Au début lorsqu’on se battait au sein d’ADP contre la privatisation, on passait pour des Don Quichotte qui luttent contre des moulins à vents. Aujourd’hui, on est arrivé à ce RIP et on ne lâchera rien jusqu’au 12 mars ! [Jour de clôture du recueil des soutiens, NDLR]

Isabelle Bigand-Viviani, secrétaire générale de la CGT de l’aéroport d’Orly, invitée au stand PCF du Val-de-Marne, souligne le chemin déjà parcouru :

© Politis

Pascal Savoldelli, sénateur du Val-de-Marne et l’un des 248 parlementaires qui ont permis au référendum d’initiative partagée de voir le jour, croit en un rebond de la mobilisation :

Cette Fête de l’Huma peut-être une caisse de résonance. Il y a un objectif atteignable, c’est le million de soutiens. Et, à partir de là, le RIP aura bien plus d’écho médiatique.

Atteindre le million, c’est aussi trouver matière à interpeller le président de la République qui a déclaré vouloir abaisser le seuil du RIP à un million dans la futur réforme constitutionnelle. Pour Stéphane Peu, député PCF et tête d’affiche d’un autre débat sur le sujet, « le million, on peut y arriver assez rapidement. Mais après, il va falloir sortir de nos chapelles partidaires et aller convaincre sur le terrain les citoyens que la privatisation est une aberration ».

Une aberrante privatisation

Privatiser Aéroports de Paris serait d’abord un non-sens économique. Selon Dominique Plihon, économiste membre d’Attac : « Budgétairement, cela n’a pas de sens ; c’est une rentrée d’argent à court terme lors de la vente mais une perte de finances à long terme pour l’État qui ne disposera plus des bénéfices d’ADP. » Cela serait aussi « une aberration écologique », estime Mathilde Panot, députée LFI pour qui « toute législation visant à réduire le trafic aérien serait rendu impossible». Aberration enfin et peut-être surtout constitutionnelle. L’écrivain et professeur de droit Paul Cassia a rappelé que notre constitution depuis 1946 interdit la privatisation d’un monopole de fait et d’un service public national. Or, selon lui, « ADP rentre parfaitement dans cette définition ». L’argument constitutionnel est d’ailleurs un de ceux repris par les partisans de droite du référendum ADP.

À lire aussi >> ADP : Plébiscite pour le RIP

Un long chemin

Pour que le référendum advienne, il va falloir faire face à bien des obstacles qu’a bien résumés Alain Girard, conseiller municipal d’Orly : « Il y a plusieurs problèmes. D’abord le manque d’informations. Beaucoup ne savent pas que le RIP a lieu ou comment il fonctionne, et puis il y a la fracture numérique. » À la Fête de l’Humanité, beaucoup répètent qu’il faut faire désormais « un gros travail d’éducation populaire ». Se rendre sur les places de marché avec des tablettes pour faire signer, aller convaincre certaines mairies qui ne le font pas encore d’ouvrir des bureaux de vote pour les plus éloignés du numérique. Et puis expliquer sans cesse les tenants et aboutissants du RIP, en quoi cela concerne chaque citoyen. Le difficile objectif des 4 millions ne pourra être atteint qu’à ce prix.

À lire aussi >> Sept raisons de refuser la privatisation d’ADP

© Politis
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste
Analyse 12 décembre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste

Entre exaltation d’une féminité à l’ancienne, nostalgie d’une Amérique fantasmée et stratégies médiatiques, l’esthétique vestimentaire se transforme en arme politique au service du courant Maga. Les conservateurs s’en prennent jusqu’à la couleur rose d’un pull pour hommes.
Par Juliette Heinzlef
Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI
Enquête 11 décembre 2025 abonné·es

Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI

Convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure alors qu’ils demandaient la nationalité française, trois Palestiniens racontent les entretiens durant lesquels on leur a suggéré de fournir aux Renseignements des informations sur le mouvement associatif palestinien.
Par Pauline Migevant
« La surveillance des Palestiniens en Europe est très répandue »
Entretien 11 décembre 2025

« La surveillance des Palestiniens en Europe est très répandue »

En Europe, les Palestiniens sont de plus en plus ciblés par les surveillances numériques ou les fermetures de comptes bancaires. Layla Kattermann, responsable de la veille pour l’European Legal Support Center, revient sur ce standard européen de surveillance.
Par William Jean
Budget de la Sécu adopté : grâce aux socialistes, Lecornu évite le crash politique
Décryptage 9 décembre 2025 abonné·es

Budget de la Sécu adopté : grâce aux socialistes, Lecornu évite le crash politique

Après des semaines de négociations, le premier ministre franchit, de peu, le mur parlementaire. Le « moine soldat » de la Macronie doit désormais gravir la montagne du budget de l’État.
Par Lucas Sarafian