Pour contrôler la pandémie, il faut faire barrière à Bolsonaro

Déni, bains de foule, mépris envers son propre gouvernement, fanfaronnade : face à la pandémie, l’irresponsabilité du président brésilien, « anti-homme d’État », dépasse toutes les bornes.

Eliane Brum  • 23 mars 2020
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Pour contrôler la pandémie, il faut faire barrière à Bolsonaro
© Photo : Andressa Anholete / Getty Images South America / Getty Images/AFP

La pandémie de Covid-19 nous montre que ceux qui corrompent la vérité et falsifient la réalité doivent être stoppés car ils menacent la survie de la population. Nul exemple dans le monde n’est plus évident que celui de Jair Bolsonaro, l’anti-démocrate qui gouverne le Brésil. Il révulse déjà une fraction de l’humanité par ses déclarations racistes et la destruction de l’Amazonie. Très récemment, il a révélé sa démence en mettant les Brésiliens en danger, par le non-respect public des gestes barrières établis par son propre ministère de la Santé. En un même geste, Bolsonaro a incarné le putschisme, le négationnisme et la menace de mort.

Eliane Brum (Brésil) est journaliste, écrivaine et documentariste

Cette tribune a été publiée une première fois en espagnol le 18 mars par El Pais, et en français conjointement par Politis et Autres Brésils (traduction Patrick Piro, relecture Du Duffles)

Bolsonaro, climato-négationniste notoire, est également dans le déni de la pandémie : alors qu’il rendait visite à son idole Donald Trump, il l’a qualifiée de « fantasme » des médias. Néanmoins, mis en quarantaine pour avoir été en contact avec au moins 15 personnes positives au coronavirus, l’anti-démocrate a porté un masque pour faire une déclaration en direct. Il a demandé qu’en raison de la pandémie les extrémistes de droite qui le soutiennent suspendent leur manifestation contre le Congrès et la Cour suprême fédérale [que Bolsonaro accuse d’entraver l’action du gouvernement]. Un mouvement qu’il avait lui-même déclenché et largement stimulé.

La plupart des gens ont alors cru que Bolsonaro avait finalement eu une révélation inespérée de la réalité, comprenant que la pandémie n’était pas factice, et que son penchant personnel pour les vérités autoproclamées pouvait faire des morts bien réels également. Mais non. Dimanche 15 mars, Bolsonaro a participé à la manifestation. Tout en appuyant une tentative explicite de coup d’État, il a enfreint, en pleine pandémie, les consignes de son propre ministre de la Santé, encourageant cet attroupement de personnes, saisissant le téléphone mobile de partisans pour faire des selfies avec eux, serrant des mains.

Non content de défier les pouvoirs démocratiques, Bolsonaro a mis la population en danger et donné le pire des exemples en tant que chef d’État dans un tel moment. Mais ce n’est pas tout : il a également qualifié « d’extrémisme » et « d’hystérie » les mesures de lutte contre le virus adoptées par son propre gouvernement. Le lendemain, il insistait : « Ce virus n’est pas ce que l’on dit. » L’anti-homme d’État a également déclaré qu’il avait bien « le droit » de serrer des mains, et que s’il s’infectait, c’était sa propre « responsabilité » qui était en jeu, « et aucune autre ». La frange du Brésil qui s’y refusait encore a finalement compris : celui qui est au pouvoir n’est pas seulement un putschiste, mais aussi un cinglé. Que faire, dès lors ?

La manière dont les institutions et la société brésilienne vont réagir à la menace que représente ce despote élu va déterminer l’avenir immédiat du pays. Cependant, dans un monde globalisé, le problème n’est pas seulement brésilien, il est également planétaire. La même irresponsabilité criminelle qui organise l’anéantissement de l’Amazonie menace désormais le contrôle mondial de la pandémie. Le Covid-19 nous a révélé le niveau de perversion atteint par les négationnistes pour conforter leur pouvoir. Ceux qui nient le danger de la pandémie sont les mêmes qui nient la crise climatique. Le virus finira bien par passer, laissant un sillage de morts. La catastrophe climatique, elle, ne fait que commencer.

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Tribunes

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