[Témoignage] Nicolas, préparateur de commandes : « On est pris d’assaut, c’est la folie »

Nouvelle série #lesdéconfinés sur Politis.fr. Le monde est en pause, mais eux continuent de s’activer. En ces temps d’épidémie, découvrez ceux qui ne sont pas confinés.
Aujourd’hui Nicolas, 23 ans, préparateur de commandes surpassé.

Victor Le Boisselier  • 20 mars 2020
Partager :
[Témoignage] Nicolas, préparateur de commandes : « On est pris d’assaut, c’est la folie »
© crédit photo politis

C’est la folie. On est complètement pris d’assaut depuis quelques semaines. D’habitude, je fais 12 heures par semaine, parfois quelques heures supplémentaires, dans un entrepôt ouvert de 6h à 20h30, en banlieue lilloise. Mais lundi, on m’a appelé en urgence, pour travailler de 19h à 22h ! La direction a même fermé le site Internet la nuit pour restreindre le nombre de commandes : elle préfère limiter ses bénéfices ! (D’un autre côté, le site bat ses records de bénéfices hebdomadaires.)

Nous sommes sous l’eau. Le nombre de commandes a quadruplé : d’habitude, les gens viennent chercher leurs colis le jour même, désormais, ils doivent attendre entre 4 et 5 jours. Pour donner un exemple chiffré, d’habitude le vendredi matin, on commence avec 120 commandes à préparer pour 6 heures. Vendredi 13 mars, au lendemain l’allocution d’Emmanuel Macron, nous étions à plus de 400 commandes dès 6 h ! Je bosse au rayon « produits grande consommation ». Les clients commandent des pâtes, des boîtes de conserve et des gâteaux par paquet de 10. La quantité de produits par commande a plus que triplé. Il n’y a plus de « petites commandes ».

Embauches et normes sanitaires

#Lesdéconfinés, une série de témoignages sur le travail et les nouvelles solidarités pendant le confinement Nous cherchons des témoignages de personnes qui ne vivent pas leur confinement comme tout le monde. Si vous êtes obligés de sortir pour travailler ou si vous devez sortir pour créer de nouvelles solidarités (association, voisinage), racontez-nous votre expérience et envoyez-nous un mail.
Alors l’entreprise fait appel à des intérimaires. J’ai déjà croisé une dizaine de nouveaux visages dans mon secteur. D’habitude nous sommes une petite vingtaine. Mais la direction n’a pas le temps de bien former les nouveaux, ils partent au charbon après quelques maigres explications. Ils comptent sur nous, les plus expérimentés, pour absorber un maximum de taches. On travaille deux fois plus vite, mais la cadence n’est plus du tout surveillée. Concernant les mesures d’hygiène, depuis aujourd’hui, il y a un appel micro pour aller se laver les mains une fois par heure, on porte des gants en latex et on nous a distribué un flacon de gel hydroalcoolique. Pour les distances de sécurité, la distanciation est globalement respectée, sauf quelques secondes lorsqu’on se croise dans les rayons mais c’est assez rare.

Solidarité

Bon surtout, il y a eu une certaine solidarité qui s’est créée. Déjà entre étudiants on était déjà solidaires parce que ce n’est pas un travail facile. Tu te lèves à 4 heures le samedi, tu ne t’épanouies pas forcément intellectuellement, tu as parfois des charges lourdes à porter… Là depuis le début de l’épidémie, les responsables sont beaucoup plus proches de nous, le petit-déjeuner nous est offert. Quand on a travaillé le soir, le patron nous a offert le dîner. Ils voient qu’on essaye de tenir la cadence, alors ils sont reconnaissants. On a des mots d’encouragement, de bienveillance, ce qui n’était pas le cas avant. Eux-mêmes retroussent leurs manches pour nous aider à préparer quand on est submergé.

Ça a été dit des centaines de fois mais apparemment ça ne suffit pas : nous sommes livrés normalement, voire même plus en raison de la crise, il n’y aucun problèmes de stock. Il n’y a aucun intérêt à faire ces commandes démesurées… Certaines personnes attendent vraiment leurs courses et on ne peut leur livrer seulement que quelques jours plus tard à cause de l’afflux.


Tous les témoignages seront publiés dans la rubrique « Sur le vif »

À LIRE > Tous nos articles sur le COVID-19 en accès libre

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Retraites, assurance-chômage, santé : trois sujets brûlants pour plus d’égalité
Analyse 17 septembre 2025 abonné·es

Retraites, assurance-chômage, santé : trois sujets brûlants pour plus d’égalité

Huit ans de macronisme auront eu raison du mythe égalitaire français. Baisse des APL, réformes de l’assurance-chômage, RSA sous condition, etc. Les coups de semonce ont été nombreux. Passage en revue de trois sujets chauds.
Par Pierre Jequier-Zalc
Thomas Piketty : « Le combat pour la taxation des plus riches ne fait que commencer »
Entretien 17 septembre 2025 abonné·es

Thomas Piketty : « Le combat pour la taxation des plus riches ne fait que commencer »

L’économiste, spécialiste des inégalités et professeur à l’École d’économie de Paris revient sur la séquence politique et économique actuelle alors que le sujet de la taxe Zucman s’impose dans le débat public. Et appelle l’ensemble des forces progressistes à se lancer dans ce combat pour l’égalité.
Par Pierre Jequier-Zalc
L’égalité, valeur à double face
Histoire 17 septembre 2025 abonné·es

L’égalité, valeur à double face

On nous répète que les Français seraient pétris de haine des riches. Ils sont plutôt, de longue date, empreints d’une exigence d’égalité, luttant aujourd’hui encore contre les attaques des possédants au temps d’un néolibéralisme décomplexé rognant sur les conquêtes sociales du passé. Petite histoire de cette insatiable passion française de l’égalité.
Par Olivier Doubre
« La crise du néolibéralisme pousse les milieux d’affaires dans les bras de l’extrême droite »
La Midinale 17 septembre 2025

« La crise du néolibéralisme pousse les milieux d’affaires dans les bras de l’extrême droite »

Laurent Mauduit, journaliste, cofondateur de Mediapart, auteur de Collaborations, enquête sur l’extrême droite et les milieux d’affaires aux éditions La Découverte, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien