Altice, LVMH : secret des affaires, droit sacré

Votée en 2018, la loi sur le secret des affaires continue de montrer ses effets délétères contre la liberté de la presse. En témoignent encore deux affaires récentes.

Hugo Boursier  • 12 octobre 2022
Partager :
Altice, LVMH : secret des affaires, droit sacré
Des membres d'Attac, à Antibes, le 24 septembre 2022, demandant la taxation des profits des ultra riches.
© VALERY HACHE/AFP

Alors que la fin de l’abondance a été instaurée par Emmanuel Macron, vous souhaitez en savoir plus sur le très polluant train de vie du milliardaire Patrick Drahi ? Tandis que l’austérité budgétaire assèche les caisses de l’État, vous voulez connaître la manière dont LVMH profite par sa fondation d’importantes réductions fiscales estimées à plusieurs centaines de millions d’euros ?

D’après deux décisions, l’une rendue par le tribunal du commerce, le 6 octobre, et l’autre par le Conseil d’État, le lendemain, ces deux informations d’intérêt général ne seront jamais révélées. La raison ? Le secret des affaires.

Inspirée par les intérêts des industriels, qui ont largement étendu le champ des informations jugées trop « sensibles », la loi sur le secret des affaires a été adoptée en 2018 par la France d’après une directive européenne.

Acrobatie démocratique

Depuis, les médias en font les frais. Le site d’investigation Reflets s’est vu refuser de publier d’autres articles à la suite de ses révélations sur le groupe Altice, après une importante fuite de documents disponibles en ligne. Le tribunal admet qu’il n’y a aucun délit dans ses enquêtes… mais interdit aux journalistes d’en publier d’autres. « On est dans Minority Report ! », dénonce le rédacteur en chef, Antoine Champagne, dans Marianne.

Lire aussi > « Patrick Drahi ne nous fera pas taire »

Du côté de LVMH, c’est le brouillard complet. Impossible d’accéder, comme le souhaitait Anticor, aux comptes annuels des années 2016 et 2017 de la fondation du groupe. L’ONG, qui lutte contre la corruption, les a réclamés après que la Cour des comptes, dans un rapport de 2018, avait pointé l’exonération fiscale massive dont jouissent les entreprises du groupe LVMH pour financer le projet.

La préfecture, la Commission d’accès aux documents administratifs et, désormais, le Conseil d’État ont dit non. La plus haute juridiction estime que la protection de la vie privée peut s’appliquer aussi à la Fondation, personne morale… pourtant d’intérêt général, selon ses statuts. Acrobatie antidémocratique.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Budget : le (très) décevant rapport sur l’imposition du patrimoine      
Analyse 2 décembre 2025

Budget : le (très) décevant rapport sur l’imposition du patrimoine      

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a rendu, ce 1er décembre, un volumineux rapport sur l’imposition du patrimoine. Si celui-ci dresse le constat d’une imposition « très inégalitaire », ses recommandations restent, dans l’ensemble, peu ambitieuses.
Par Pierre Jequier-Zalc
Le « mécanisme de rééquilibrage », un discret mais dangereux dispositif du Mercosur
Décryptage 27 novembre 2025 abonné·es

Le « mécanisme de rééquilibrage », un discret mais dangereux dispositif du Mercosur

C’est une mesure qui n’a pas fait couler beaucoup d’encre. Le « mécanisme de rééquilibrage », ajouté à la dernière minute dans l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, présente un danger majeur pour l’amélioration des normes sociales, sanitaires et environnementales. Explications.
Par Pierre Jequier-Zalc
« L’accord UE-Mercosur, le traité de libre-échange le plus contesté de l’histoire européenne »
Entretien 27 novembre 2025 abonné·es

« L’accord UE-Mercosur, le traité de libre-échange le plus contesté de l’histoire européenne »

L’économiste Maxime Combes analyse les enjeux de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Il appelle à maintenir la mobilisation contre ce texte qui pourrait être ratifié dans les prochaines semaines.
Par Vanina Delmas
Comment la « taxe soda » sert à doper les profits et à licencier
Reportage 26 novembre 2025 abonné·es

Comment la « taxe soda » sert à doper les profits et à licencier

Ce sont deux fermetures d’usines qui font parler. La première, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), voit Orangina baisser le rideau d’une de ses quatre implantations en France. La seconde, à Crolles (Isère), concerne l’industrie historique de sirop Teisseire. Près de 300 salariés sont mis sur le carreau.
Par Pierre Jequier-Zalc