Un journaliste fait condamner un policier pour « violences volontaires »

Un fonctionnaire de police a été condamné ce mardi par le tribunal correctionnel de Toulouse pour violences volontaires. Il était accusé d’avoir lancé en 2019 une grenade de désencerclement de manière non-réglementaire et blessé un journaliste.

Maxime Sirvins  • 23 février 2023
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Un journaliste fait condamner un policier pour « violences volontaires »
Une Compagnie départementale d'intervention lors de l’acte 22 des Gilets Jaune à Toulouse le 13 avril 2019.
© Maxime Sirvins.

« Je suis soulagé. » C’est une victoire pour Kevin Figuier, journaliste « en pause » depuis les faits du 20 avril 2019. Ce jour-là, lors d’une manifestation des gilets jaunes, l’acte 23, il est blessé à la jambe et au dos par une grenade de désencerclement, lancée par un policier. Ce dernier a été condamné ce mardi 23 février 2023 par le tribunal correctionnel de Toulouse pour « violences volontaires ».

Ce jour de 2019, comme à chaque fois, Kévin Figuier suit alors le cortège principal pour effectuer son travail de journaliste, équipé de son casque orné du mot « Presse ». En fin d’après-midi, une vingtaine de manifestants viennent invectiver des forces de l’ordre, dont Cédric A., policier depuis environ 10 ans au sein d’une compagnie départementale d’intervention.

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L’agent décide alors de jeter une grenade de désencerclement en l’air, alors qu’elle doit obligatoirement être roulée au sol pour éviter des graves blessures. Kevin Figuier, qui observe la scène avec d’autres journalistes sur le côté, est alors blessé. « Je ne m’attendais pas à être blessé. De mon point de vue, il y avait bien un caractère intentionnel. La personne ayant tiré ne pouvait que me cibler », explique à l’époque le photojournaliste-rédacteur à France 3 Occitanie.

Une arme de guerre

L’utilisation de la grenade en question, une grenade de désencerclement, n’est pourtant pas anodine. Son corps est composé de 18 projectiles en caoutchouc dur qui, lors de la détonation, sont projetés dans tous les sens à 450 km/h. De plus, la grenade explose avec un niveau sonore de 160 décibels (dB), soit au-dessus du seuil de douleur. Au-delà de 120 dB, des bruits très brefs peuvent provoquer des dommages irréversibles.

Le 11 septembre 2020, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin avait annoncé une nouvelle grenade de désencerclement, la GENL, censée être moins violente et « offrant moins de projections en hauteur » selon lui. L’ancien modèle, comme le nouveau, est classé arme de catégorie A2, soit « arme de guerre. » Lors d’une manifestation contre la loi Travail, le 26 mai 2016, un photographe avait fait 10 jours de coma après une blessure provoquée par un jet de grenade de désencerclement.

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Pour Cédric A., le jet était « nécessaire » pour « protéger ses collègues ». Cette « légitime défense » est régulièrement utilisée par les agents accusés de violences policières, comme pour l’affaire Laurent Theron, syndicaliste éborgné par la même grenade en 2016 à Paris, dans laquelle le CRS, non habilité, a été acquitté le 14 décembre 2022.

Des tirs de manière « abondante et débridée »

Pourtant, ce 20 avril 2019, la situation ne semble pas justifier le jet de cette arme, même pour l’IGPN. Lors de son enquête, elle conclut que l’attitude des manifestants « ne mettait nullement en péril l’intégrité physique des policiers », ce qui n’empêche pas Cédric A. de tirer 10 munitions de LBD en seulement 20 minutes de manière « abondante et débridée ».

L’enquête administrative sera malgré tout classée sans suite. Kevin Figuier décide alors de porter plainte, accompagné par Reporters sans Frontières. Ce mardi 21 février 2023, trois ans après les faits, Cédric A. est finalement condamné à 2 000 euros d’amende avec sursis, à 800 € de dommages et intérêts pour Kévin Figuier et 1 € pour l’association Reporters sans Frontières.

Comme le rapporte le journaliste en pause à France 3 Occitanie, « cela donne de l’espoir pour les autres plaintes en cours. On ne s’attaque pas à un journaliste. »

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